Lucian Dan Teodorovici, L’Histoire de Bruno Matei, traduit du
roumain par Laure Hinckel, publication originale en 2011, édité en France chez
Gaïa.
Roman intriguant plongeant dans
la Roumanie soviétique des années 50-60.
Le personnage principal est le
brun : un amnésique qui vit dans une petite ville de Roumanie. 20 ans de
sa vie sont enfouis dans les limbes de son cerveau. Il n’a que deux ou plutôt
trois amis : Bojin l’homme du parti qui lui a procuré logement et travail,
Eliza et une marionnette en bois, venue de son passé. Le brun souhaite
s’insérer et mener une vie normale dans le paradis socialiste, même s’il y a
beaucoup de choses qu’il ne comprend pas.
Nous lisons en parallèle l’histoire
de Bruno, jeune marionnettiste arrêté pour d’obscures raisons politiques et qui
passe de prison en prison, tentant de s’empêcher de ressentir tout espoir pour
éviter toute désillusion. Les deux fils se rejoignent petit à petit.
Et à chaque marche qu’il foulait dans sa descente, Bruno sentait comment sa détermination à ne jamais imaginer son avenir de quelconque façon, à étouffer à l’intérieur de son esprit toute pensée portée sur le jour de la libération, déclinait à présent beaucoup plus vite que ses pas ne le faisaient descendre.
C’est un roman très prenant et
d’une grande richesse, parfaite dénonciation du régime d’alors, avec une
description fine de la vie concentrationnaire. Mais on est également peu à peu
pris de sympathie pour les personnages et pour les ambiguïtés humaines.
Le brun porte un regard naïf sur
la Roumanie socialiste, sans connaître la fin mot de l’histoire ou l’envers du
décor (puisqu’il a tout oublié), il pourrait presque être un modèle d’homme
nouveau. Sa solitude, l’absence d’ancrage familial fait que le seul lien qu’il
a aux autres passe par ce représentant du parti qui prend soin de lui en
apparence et en réalité. Bojin, l’agent de la Securitate, est-il un menteur
manipulant le brun ou un ami tentant de le protéger ? Que penser de
l’attachement du brun pour sa marionnette ?
Avec le temps, la présence
simultanée de ces deux types de vérité en était arrivée à lui paraître très
normale, à gouverner presque tous ses choix si bien qu’à un moment donné l’idée
même de mensonge s’était totalement effacée de son esprit, ne dérangeant plus
sa conscience. Qui aurait encore eu besoin du mensonge quand la simple vérité,
les vérités dans ce cas, résolvaient absolument tout, et tiraient le camarade
Bojin du moindre ennui ?
la littérature roumaine m'intéresse, je note celui-là
RépondreSupprimerComme tu es une personne rare ! C'est vraiment un bon roman en effet.
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