La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 20 janvier 2015

J’ai trouvé cela plutôt amusant, de plagier le bagou des nazis.

Raphaël Jerusalmy, Sauver Mozart, 2012.

Un court roman, triste et plein de vie, mais assez percutant.

Le narrateur tient son journal. Un amoureux de la musique classique, mélomane et compositeur, un tuberculeux se mourant dans un sanatorium de Salzbourg, un peu juif, un peu libre-penseur. On est en 1939.
Il raconte sa déchéance physique et la vie dans ce mouroir. Le régime nazi impose sa marque : les plus faibles sont mal nourris ou disparaissent, les blessés militaires ont le pas sur les civils, la pharmacie expérimente, des familles s’évaporent. Mais seule la musique intéresse le narrateur qui veut la sauver des ignorants, des brutes, de la bêtise… sa tentative sera dérisoire. En sous-texte, le roman nous rappelle combien les arts ont été enrôlés par le régime nazi à tous les échelons envisageables.

Je vis entouré de moribonds, d’infirmières hargneuses, de soldats fringants, de citadins affairés, seul, en coulisses. Je ne fais déjà plus partie du décor. Tout s’éloigne, petit à petit. Sans retour.

Ce très court roman est une réussite. La narration avance en paragraphes brefs, tirés du journal du narrateur, avec des phrases courtes et un peu brutales. Les considérations sur la maladie alternent avec celles sur la musique, le nazisme, la vie quotidienne. Les enjeux géopolitiques rencontrent les préoccupations immédiates d’un malade confronté lui aussi à la mort quotidienne. Confiné dans une clinique, le narrateur tourne en rond dans un univers d’où la culture disparaît peu à peu.
 
A. Ozenfant, Nature morte au violon, vers 1919,
Paris, Musée art moderne, RMN.
Sauver Mozart est le premier roman de Jerusalmy. Apparemment la forme brève convient bien à cet auteur, si j’en juge par La Confrérie des chasseurs de livres qui n’est vraiment pas réussi. Enfin, dans la figure du mélomane mourant se traînant au concert, je retrouve celle de Proust pris d’un malaise à l’exposition Vermeer du Jeu de Paume.

J’ai refusé de jouer aux échecs avec Günter. Il m’agace avec ses commentaires sur l’actualité, les nouvelles du front, les allocutions du Führer. Pas de quoi fouetter un chat. L’histoire suit son cours, voilà tout.
Des analyses ? On m’en fait toutes les semaines. Savoir ce qu’il se passe ? Ça crève pourtant les yeux. L’infection se répand. Pas besoin d’être docteur pour ça ! Juste malade.

L'avis du blog Lettre express et de Dominique.

4 commentaires:

  1. Je suis bien d'accord, La confrérie des chasseurs de livres n'est pas à la hauteur de celui-ci. Merci pour le lien.

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    1. Le problème est que beaucoup de gens ont découvert cet auteur avec La Confrérie et sont un peu réticents du coup !

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  2. Je découvrirai donc l'auteur avec ce titre.

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