Villy Sørensen, Histoires étranges, traduit du danois
par Sophie Grimal et Frédéric Gervais, paru en 1953, édité en France chez
Ginkgo.
Ce recueil porte extrêmement bien
son titre, car difficile de faire plus étrange
en effet (= je me demande bien ce que je vais vous raconter).
Ces nouvelles peignent un monde
sinistrement absurde, où l’ironie frôle la tragédie de façon la plus glaçante. Le
récit le plus long, Le Meurtre, porte
comme sous-titre Fantaisie
kafkaïenne : le narrateur participe à une enquête sur un meurtre dont
il ne connaît ni la victime, ni le lieu, ni rien, mais qui le concerne
étroitement. Les inspecteurs manient une langue de bois virtuose, faisant
passer les personnages d’un rôle à un autre. Plusieurs récits prennent place
dans un monde discrètement totalitaire, où l’armée est omniprésente, où
l’individu n’existe pas, remplaçable, sans destinée particulière. Ceci
n’empêche pas la magie, le fantastique et aussi plus généralement l’inconnu de
côtoyer la modernité. Si le lecteur est plus effrayé par cette atmosphère de
contrôle urbain, les personnages, eux, craignent le passé et les souvenirs, les
bêtes sauvages et les passions. Le dernier récit est celui que j’ai
préféré : les tigres envahissent la ville (plus exactement, les cuisines)
suscitant angoisse, affolement et adoration. À la fin, le problème est résolu
et puis, tout recommence.
Bien sûr, les noms de Kafka et
Orwell viennent naturellement à l’esprit. Mais je renverrai plus exactement à
Dino Buzzati et à son recueil, Le K,
au climat extrêmement proche.
Allons, courage, fit le
médecin-major en le tapant si fort sur l’épaule que ses larmes réintègrent
immédiatement leurs glandes lacrymales. Il n’est pas rare de voir des gamins
mourir à cet âge-là. Allez, vieille branche, laisse les morts dans leurs
tombes, et puis, avant de croquer ta belle, n’oublie pas de te brosser les
dents !
Merci aux éditions Gingko pour cette lecture.
L’avis de Pucksimberg.
Je ne lis pas souvent de nouvelles, mais quand tu cites Kafka et Buzzati, je dresse l'oreille, évidemment.
RépondreSupprimer1953 ! Etrange que ce titre ne soit pas plus connu, à moins qu'il vienne seulement d'être traduit en français ?
Pour être honnête, j'ignore le degré de notoriété de l'auteur au Danemark ! Donc je suppose qu'il s'agit bien en effet de la première traduction en français. Les 1e nouvelles sont sinistres, mais après on plonge plus vers l'absurde.
SupprimerBonjour,
SupprimerEn fait, l'auteur est un philosophe
(Voici sa fiche Wikipedia)
Villy Sørensen, né le 13 janvier 1929, mort le 16 décembre 2001 est un écrivain, un critique littéraire et philosophe danois. Il est généralement rattaché au mouvement littéraire du modernisme. Philosophe fortement influencé par l'existentialisme allemand (Heidegger, Kierkegaard), ses nouvelles de fiction sont à cet égard parfois comparées à celles de Franz Kafka. Il est l'un des philosophes danois les plus importants et influents depuis Kierkegaard.
J'avais lu la fiche française Wikipedia, pour rédiger l'article, mais je trouve que ça ne m'avait pas vraiment renseignée.
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