Andrus Kivirähk, Les Groseilles de novembre, traduit de
l’estonien par Antoine Chalvin, parution originale en 2000, édité en France au
Tripode.
Un roman déjanté – ça fait du
bien.
Nous sommes en Estonie, à une
époque ancienne où le paganisme se porte bien. Chaque paysan fabrique son
kratt, à partir de quelques outils rouillés, le dote d’une âme en bernant le
Diable – appelé Vieux-Païen – pour aller voler à droite et à gauche. Car, ici,
certes, on cultive son champ, mais surtout on vole tout le monde, dès que l’on
peut, et surtout les gens du manoir – le baron est allemand.
Le roman se déroule pendant
chaque jour du mois de novembre, quand la neige commence à tomber, fond et retombe,
quand diverses fêtes autorisent des débordements, mais aussi quand surgit la
peste. On y croise toute la population : intendant et régisseur du manoir,
un paysan et sa fille qui se déguise en loup, un simplet, un rebouteux, une
sorcière…
Dans la pénombre du soir, un démon en forme de chien traversa la route. Il avait le corps si long qu’il mit au moins une demi-heure à passer.
« On voit vraiment de drôles de créatures ! » dit le granger en hochant la tête.
C’est une lecture farfelue,
déroutante, où on ne sait jamais bien à quoi s’attendre. Le récit manque d’un
peu de suite dans les idées. N’empêche que l’on se demande comment les
villageois vont faire face à la peste, si Hans pourra séduire la fille qu’il
aime, si les sorts et tours de passe-passe vont l’aider, si le fameux trésor
sera découvert… C’est un monde terrestre et concret, où l’on vole l’argent et
la nourriture, où l’on se bat facilement, où l’amour n’existe pas et où un
kratt tout en neige fait figure de poésie.
Les gentilles créatures de Claude Ponti à Nantes. |
Je dois dire que j’attendais
beaucoup de ce roman. Si j’ai été ravie de ma lecture, je suis cependant restée
sur ma faim. Heureusement, tout indique que le second roman de l’auteur, L’homme qui parlait la langue des serpents,
tient toutes ses promesses.
Le village était minuscule, avec
ses maisons éparpillées sous le ciel gris. Quelques kratts volaient dans le
ciel, des suce-lait sortaient des étables, remplis jusqu’à la gorge du lait
qu’ils avaient tété au pis des vaches, et rentraient chez eux en sautant
lourdement comme d’énormes grenouilles. Au loin, dans une coupe rase, on voyait
même le Vieux-Mauvais qui se grattait le derrière contre une souche barbue
oubliée par un bûcheron négligent. Dans le marais s’allumaient déjà les
premiers feux follets, qui indiquaient l’emplacement des trésors enfouis dans
les trous d’eau.
Lire le monde. L’avis du Blog-O-Livre.
Un auteur repéré, surtout parce qu'il est paru au Tripode, et traduit par l'excellent auteur de Poésie du gérondif...
RépondreSupprimerJ'ai bien compris que tu étais fan du traducteur !
SupprimerJe n'ai pas lu celui-là, mais L'homme qui parlait la langue des serpents, que j'ai beaucoup aimé, pour son originalité, et sa dimension à la fois épique et un peu glauque...
RépondreSupprimerC'est le suivant sur la liste !
SupprimerJe l'ai lu, il y a quelques mois. Le texte part dans tous les sens et le lecteur perd tous ses repères, cette sensation m'a beaucoup plu. Comme toi j'ai hâte de lire L'homme qui parlait la langue des serpents.
RépondreSupprimerC'est un très bon apéritif.
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