Un roman fascinant.
Enric Marco s’est construit une
identité de résistant au franquisme, de leader anarchisme et de survivant des
camps de concentration, jusqu’à présider l’Amicale de Mauthausen. Pourtant en
juin 2005 un historien prouve que tout est faux. Et cette histoire est vraie.
Le livre suit donc deux fils qui
se rejoignent progressivement : l’un raconte la vie réelle, supposée,
reconstituée ou prétendue de Marco et l’autre les interrogations de Cercas sur
sa tâche. Le livre est passionnant, car on suit le parcours de Marco dans les
méandres de l’histoire. C’est une biographie pleine de rebondissements, de
l’asile à un garage, pour finir sous les feux des projecteurs. L’homme a
visiblement impressionné l’écrivain qui hésite de plus en plus à le juger. Plus
intéressant, Cercas essaie de comprendre pour quelles raisons une telle
supercherie a été possible. Pour lui il est évident que Marco a répondu aux
attentes de ses contemporains en lui offrant un discours acceptable et audible
– plus facile à appréhender que celui des vrais déportés.
Et la vérité ? La vérité, c’est que, d’après ce que j’ai découvert à mesure que j’enlevais des couches d’oignon de la biographie de Marco, ce ramassis de mensonges a naturellement été pétri avec des vérités.
Bien sûr, c’est un sujet parfait
pour cet auteur qui ne cesse d’écrire sur le vrai, le faux, les erreurs et
reconstitutions de la mémoire, la trahison et la fidélité, qui se plaît à
interroger en miroir ces notions, au point de renverser les mêmes phrases dans
un tout autre sens. D’ailleurs, j’ai quelquefois eu la sensation d’un véritable
procédé un peu facile dans certains cas – j’espère que son prochain livre sera
un peu différent (certaines répétitions m’ont franchement paru maladroites). Si
Anatomie d’un instant me paraît plus
fort, parce qu’il porte sur un moment extrême de la démocratie espagnole, son
propos était davantage dilué et avait fini par me lasser. Ici, le discours est
un peu plus concis et surtout nous parcourons toute l’histoire de l’Espagne du
XXe siècle, du point de vue des héros, mais aussi et surtout de la
masse anonyme qui a subi et suivi. Ce roman sans fiction étudie ainsi le
rapport que l’Espagne entretient avec son propre passé, fait d’oubli, de
réécriture, d’instrumentalisation et de commerce.
Personne ne prenait Don Quichotte
au sérieux, il ne trompait personne ; en revanche, Marco a trompé tout le
monde. Il a fini par lever les yeux de son assiette et regarder ma femme. Tu te
rends compte ? Tout le monde ! Puis il s’est tourné vers moi avec un
éclat d’enthousiasme dans les yeux, il m’a pointé avec sa fourchette et il a
fini par dire : Putain, il est génial, ce type !
Bon pour le mois espagnol de Sharon.
Un beau travail que ce livre en effet et une belle réflexion sur la fiction. Cette couverture espagnole est très réussie.
RépondreSupprimerC'est vrai que la couverture d'Actes Sud est bien fadasse à côté.
Supprimertrès intéressant comme réflexion!
RépondreSupprimerOui, c'est un cas extrême.
SupprimerUn roman sans fiction ? Etrange.
RépondreSupprimerLes faits relatés sont vrais, mais la vie de Marco est entièrement une fiction, un roman, un mensonge... on est dans le paradoxe complet.
SupprimerEffectivement, un véritable paradoxe que la vie de cet homme.
RépondreSupprimerMerci pour ta participation.
Une véritable étrangeté.
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