La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 3 février 2017

Il y a ici quelque horrible méprise.

Ann Radcliffe, L’Italien ou Le Confessional des pénitents noirs, parution originale 1797, traduit de l’anglais par Narcisse Fournier.

Le charme du gothique authentique.

L’action se passe à Naples. Le jeune comte Vivaldi tombe amoureux de la belle Elena, qui vit seule avec sa tante. Las ! Les parents de Vivaldi sont nobles et orgueilleux et n’accepteront jamais une telle mésalliance, d’autant que le confesseur de sa mère, membre de l’ordre des pénitents noirs, décide d’en profiter pour augmenter son influence. Afin d’éviter un mariage clandestin, Elena est donc enlevée et emprisonnée dans un couvent situé dans les montagnes.
Disons-le, ce roman me semble moins réussi que Les Mystères du château d’Udolfe qui présente un lieu d’action presque unique et une intrigue plus resserrée. Ici, les épisodes s’enchaînent et Vivaldi et Elena sont rapprochés et éloignés au gré du caprice de la romancière qui souhaite manifestement jouer avec l’adrénaline et les nerfs de ses lecteurs. La narration est aussi un petit peu trop rapide, elle aurait gagné à ménager des moments de répit ou de méditation à ses personnages.
Il n’est pas dans mes habitudes de faire de l’histoire littéraire sur ce blog, mais difficile de faire autrement dans ce cas. On est à plein dans le roman gothique. La première partie du titre n’a absolument aucun sens, puisqu’en Italie, tous les personnages sont italiens, sinon de signifier que nous partons dans un territoire voué aux mystères du catholicisme (je vous rappelle que le lectorat visé est anglican, plus proche des protestants). On aura donc un confesseur comme une âme damnée, des ruines avec des spectres, une innocente emprisonnée dans un couvent, des vœux forcés, les tribunaux de l’Inquisition avec tous leurs accessoires terrifiants, plein d’ordres religieux différents et d’horribles secrets de confession. Et la réticence d’Elena devant un mariage clandestin qui n’a pas vraiment de justification dans le roman s’explique très bien quand on connaît la hantise des protestants pour les mariages clandestins (alors que les catholiques, hein, pfiou)*.

C. Bouton, Intérieur de la cathédrale de Chartres, 1835, Musée de Grenoble , M&M
 Tout cela pour dire, que si vous aimez le genre, vous aimerez. J’ai moi-même beaucoup apprécié ma lecture, d’autant que les rebondissements rebondissent jusqu’au dernier rebond avec beaucoup d’inventivité. C’est très distrayant, on se demande toujours ce que Radcliffe va bien pouvoir inventer.

Le chemin pratiqué sur l’un des côtés de cette gorge dominait le lit d’un torrent qui, s’élançant impétueusement des hauteurs, modérait ensuite sa course jusqu’au bord d’un autre précipice où il s’élançait avec un horrible fracas, en dispersant dans les airs une poussière d’écume. À ce spectacle plus effrayant mille fois que la plume ou le pinceau ne le peuvent rendre, Elena ressentit une sorte de plaisir âpre, en harmonie avec ses émotions douloureuses ; mais ce sentiment fit place à un effroi véritable lorsqu’elle vit que la route qu’elle suivait aboutissait à un pont étroit, jeté, d’une chaîne de montagnes à l’autre, par-dessus l’abîme au fond duquel grondait l’impétueux torrent.
  
* Merci Pierre pour m’avoir suggéré cette brillante idée !



2 commentaires:

  1. Je note ! "Les mystères d'Udolphe" m'avait enchantée !

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    1. J'avais beaucoup aimé aussi. Celui-ci est franchement moins bon, mais se lit avec plaisir quand même.

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