Ann Radcliffe, L’Italien ou Le Confessional des pénitents noirs, parution originale 1797,
traduit de l’anglais par Narcisse Fournier.
Le charme du gothique
authentique.
L’action se passe à Naples. Le
jeune comte Vivaldi tombe amoureux de la belle Elena, qui vit seule avec sa
tante. Las ! Les parents de Vivaldi sont nobles et orgueilleux et
n’accepteront jamais une telle mésalliance, d’autant que le confesseur de sa
mère, membre de l’ordre des pénitents noirs, décide d’en profiter pour
augmenter son influence. Afin d’éviter un mariage clandestin, Elena est donc
enlevée et emprisonnée dans un couvent situé dans les montagnes.
Disons-le, ce roman me semble
moins réussi que Les Mystères du château d’Udolfe qui présente un lieu d’action presque unique et une intrigue plus
resserrée. Ici, les épisodes s’enchaînent et Vivaldi et Elena sont rapprochés
et éloignés au gré du caprice de la romancière qui souhaite manifestement jouer
avec l’adrénaline et les nerfs de ses lecteurs. La narration est aussi un petit
peu trop rapide, elle aurait gagné à ménager des moments de répit ou de
méditation à ses personnages.
Il n’est pas dans mes habitudes
de faire de l’histoire littéraire sur ce blog, mais difficile de faire
autrement dans ce cas. On est à plein dans le roman gothique. La première
partie du titre n’a absolument aucun sens, puisqu’en Italie, tous les
personnages sont italiens, sinon de signifier que nous partons dans un
territoire voué aux mystères du catholicisme (je vous rappelle que le lectorat
visé est anglican, plus proche des protestants). On aura donc un confesseur comme
une âme damnée, des ruines avec des spectres, une innocente emprisonnée dans un
couvent, des vœux forcés, les tribunaux de l’Inquisition avec tous leurs
accessoires terrifiants, plein d’ordres religieux différents et d’horribles
secrets de confession. Et la réticence d’Elena devant un mariage clandestin qui
n’a pas vraiment de justification dans le roman s’explique très bien quand on
connaît la hantise des protestants pour les mariages clandestins (alors que les
catholiques, hein, pfiou)*.
C. Bouton, Intérieur de la cathédrale de Chartres, 1835, Musée de Grenoble , M&M |
Le chemin pratiqué sur l’un des
côtés de cette gorge dominait le lit d’un torrent qui, s’élançant
impétueusement des hauteurs, modérait ensuite sa course jusqu’au bord d’un autre
précipice où il s’élançait avec un horrible fracas, en dispersant dans les airs
une poussière d’écume. À ce spectacle plus effrayant mille fois que la plume ou
le pinceau ne le peuvent rendre, Elena ressentit une sorte de plaisir âpre, en
harmonie avec ses émotions douloureuses ; mais ce sentiment fit place à un
effroi véritable lorsqu’elle vit que la route qu’elle suivait aboutissait à un
pont étroit, jeté, d’une chaîne de montagnes à l’autre, par-dessus l’abîme au
fond duquel grondait l’impétueux torrent.
* Merci Pierre pour m’avoir
suggéré cette brillante idée !
Je note ! "Les mystères d'Udolphe" m'avait enchantée !
RépondreSupprimerJ'avais beaucoup aimé aussi. Celui-ci est franchement moins bon, mais se lit avec plaisir quand même.
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