La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 10 octobre 2019

L’inventaire du possible.

Timothy Brook, Le Chapeau de Vermeer. Le XVIIe siècle à l’aube de la mondialisation, traduit de l’anglais par Odile Demange, parution originale 2008.

Ce livre d’histoire est paru il y a quelques années. Il me tentait pour son sujet, mais j’avoue avoir reculé pour m’y plonger à cause de sa forme. Je ne m’étais pas trompée !
Donc, d’abord ce qui m’agace. Brook parle de la mondialisation à partir de quelques tableaux de Vermeer, qui sont autant de portes d’entrée sur son sujet. Pourquoi Vermeer ? Parce qu’il est connu du grand public qui lit ce genre de livres ou parce qu’il est particulièrement pertinent ? Le peintre n’est ici qu’un prétexte. C’est normal, nous ne sommes pas dans un livre d’histoire de l’art, mais j’ai le sentiment qu’il sert un peu d’appeau à lecteurs. Je suis plus embêtée par l’absence d’introduction ou de programme (oui, ça fait un peu universitaire à l’ancienne mode). Brook divise son propos en 8 parties, mais nous ne savons pas s’il traite intégralement du sujet (sans doute pas), ou seulement d’une partie, il ne nous précise pas ses limites : qu’a-t-il privilégié ? qu’a-t-il exclu ? pourquoi choisir ces aspects-là et pas d’autres ? quels sont ses partis pris méthodologiques ? Cette organisation est un peu arbitraire.

Se rendre en Chine est le fil onirique qui parcourt toute l’histoire de la lutte de l’Europe du début des Temps modernes pour échapper à l’isolement et s’ouvrir sur le vaste monde. Ce fil commence à la fin du XIVe siècle, au moment où un marchant vénitien revint de ses voyages en Chine et régala tous ceux qui lui prêtaient l’oreille de descriptions des pays étrangers et des richesses fabuleuses que recelait l’Asie.

Et maintenant les louanges. C’est un livre extrêmement intéressant. Brook est spécialiste de la Chine et il nous raconte la mondialisation du XVIIe siècle avec ses longs voyages entre l’Europe et l’Asie, au large de l’Asie et entre l’Amérique et l’Asie. L’or voyage, ainsi que les soieries, les porcelaines, les êtres humains, les idées… Nous avons peine à imaginer tous ces vastes mouvements. Il donne de nombreux exemples d’interactions entre des acteurs très éloignés géographiquement et culturellement, mais qui ont dû apprendre à se parler ou se comprendre, directement ou avec un truchement, dans leur intérêt mutuel.
La pauvreté de la langue et de la forme permet donc de disposer d’un bon livre de vulgarisation. Si vous aimez l’histoire sans apprécier les ouvrages universitaires, il vous plaira certainement sans aucune réserve. Ce livre aère incontestablement l’esprit en nous faisant comprendre à quel point la mondialisation est ancienne et intimement liée à notre vie quotidienne.
Je retiens notamment : un Français vêtu d’une robe de soie chinoise, brodée de fleurs et d’oiseaux, pour rencontrer un chef Algonquin, quelque part au milieu du Canada ; la capacité des potiers chinois à s’adapter aux goûts de leurs clients (Chinois, Perses ou Européens), avec la création d’un bol à soupe spécifique pour ces derniers ; la création de la céramique de Delft ; l’extension irrépressible du tabac ; les naufrages, les tempêtes, les pirates, les conflits divers ; un marin hollandais installé en Corée et qui n’a nulle intention de revenir au pays.
Les navires rassemblaient des Portugais (du Portugal ou de Macao ou d’ailleurs), des Espagnols (de vieille ou de nouvelle Espagne), des Noirs venus d’Afrique ou des colonies américaines, des Indiens d’Inde et des Indiens d’Amérique, des créoles, des Maures, des Japonais…
Tout cela appuyé sur des sources et des études très solides.

Ils durent se faire à l’idée que le monde était une surface continue sur laquelle il n’existe nul lieu qui ne puisse être atteint, nul endroit qui ne soit suggéré par tous les autres, nul événement appartenant à un monde différent de celui qu’ils devaient désormais partager. Il leur fallut également trouver place dans une réalité marquée par une agitation constante, où les hommes étaient perpétuellement en mouvement et où les objets pouvaient parcourir la moitié du globe afin qu’un acheteur se procure ici ce qu’un fabricant avait réalisé là-bas.

Japon, Vase 19e siècle, cartographie, col. privée.


6 commentaires:

Dominique a dit…

moi j'ai calé à cette lecture honte à moi mais je n'arrive plus à me motiver suffisamment lorsque la forme du livre me pose problème

nathalie a dit…

Il n'est pas très bien écrit. Et il me semble que ce serait plus facile si l'on disposait d'un fil conducteur pour se repérer. En l'occurrence, c'est dommage. Le sujet est passionnant et c'est important de vulgariser sur un sujet aux enjeux si contemporains.

claudialucia a dit…

Un livre un peu universitaire, à l'ancienne mode (ou pas), ne me paraît pas très attrayant à priori surtout s'il est mal écrit.

nathalie a dit…

Je ne vois pas trop ce que tu veux dire. En l'occurrence, il s'agit d'un livre peu universitaire, mais de vulgarisation, mais mal écrit, et très intéressant.

keisha a dit…

Cela s'annonce mal?! Bref j'arrive ici en rebondissant sur ton billet du jour, et figure toi que je viens d'acheter ce chapeau de Vermeer (en poche, moins grave s'il me déplait)

nathalie a dit…

Il a eu beaucoup de succès et tu seras certainement plus indulgente que moi, malgré ses défauts.