La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 26 novembre 2019

Et un mystère particulièrement étrange, une illusion particulièrement aveuglante.

Tanizaki Jun’ichirô, Dans l’œil du démon, traduit du japonais par Patrick Honnoré et Ryoko Sekiguchi, parution originale 1918, édité en France par Picquier.

Un petit suspense.
Le narrateur reçoit un appel d’un ami, qu’il sait un peu fou. Celui-ci prétend avoir percé un complot : un assassinat va être commis ! Et bien sûr, il est indispensable d’y assister. Et c’est parti pour une nuit de veille.

La seule chose que nous savons, c’est que cette nuit à une heure trente-six minutes, quelque part au nord du sanctuaire à Suijin de Mukôjima, quelqu’un va étrangler quelqu’un d’autre au lacet. Et c’est enthousiasmant au plus haut point…

Sommes-nous ici dans un roman policier ? Non, pas vraiment. Plutôt un roman de suspense, en forme d’hommage à Edgar Allan Poe. L’auteur manie avec soin tous les ingrédients du genre : la femme fatale au sourire cruel, la mise en scène scabreuse, l’argent, la folie, le désir, l’érotisme et la mort. Bien sûr, le lecteur n’est pas obligé de se laisser prendre à tout ce qui lui est raconté. Normalement, il verra un peu plus loin que le narrateur. C’est que nous sommes dans les prémices du genre. Je dirais qu’il y a une sorte de naïveté et de fraîcheur dans le déploiement de ces effets qui sont censés nous effrayer.
Il est beaucoup question de voyeurisme. Être caché, voir, savoir, devoir se taire, enfreindre l’interdit. Le narrateur se procure des sensations fortes et demande explicitement à voir sans être vu. Il faut même photographier l’interdit – et en éprouver du plaisir…
Bien sûr, avec de tels ingrédients, difficile de ne pas penser à Edogawa Ranpo, que j’ai à présent envie de (re)lire.
Une lecture très agréable, pour se distraire, avec un peu d’exotisme et quand même un peu de suspense.

Tout à l’heure déjà, le haut de son corps m’avait troublé, et maintenant que je voyais le reste, je ne pouvais lutter contre l’érotisme de sa pose. Quelle sensualité, quelle fluidité dans l’attitude ! Dans la souplesse de son immobilité parfaite, alors même que pas un tremblement n’agitait son léger vêtement, toutes les courbes de son corps exprimaient, avec quelle aisance, la sensualité et la flexibilité d’un serpent qui ondule, d’une vague qui rampe.

Merci à Babelio et à Picquier pour la lecture.
Hokusai, Série des 15 manga, gravure sur bois, Nice BA.


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