La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 5 juin 2021

Les portraits de Carmontelle

Une série sur l’art du XVIIIe siècle français.

Le château de Chantilly a organisé une exposition pour montrer sa collection de peintures de Carmontelle. J’ai eu la chance de la visiter en octobre 2020 (un jour sur le blog, un billet consacré au château). Donc aujourd’hui les petites gouaches de Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1806).

Cet homme de lettres était attaché à la maison du duc d’Orléans (quand on n’était pas rentier, on avait intérêt à se trouver un patron).

Carmontelle, Autoportrait, musée Condé


Je cite Wikipedia : « Carmontelle se fait cependant apprécier pour son esprit et pour son habileté à portraiturer les personnages, petits et grands, qui fréquentent la cour. Son principal emploi consiste à orchestrer les fêtes et les divertissements dont raffole la noblesse. À l'aide d'un dispositif qu'il a lui-même inventé, il fait défiler des paysages transparents devant les invités du duc. Il improvise des comédies dont les acteurs sont choisis parmi l'assistance. »

À la mort du duc d’Orléans, il entre au service de son fils, le futur Philippe Égalité, pour le compte duquel il dessine l’aménagement du parc Monceau. Après la mort par guillotine de son protecteur, il se retire dans un petit appartement parisien.

Carmontelle, Les Gentilshommes du duc d'Orléans portant l'habit de Saint-Cloud (coll. privée). Les historiens ont bossé et ont des noms, mais ce qui compte ce sont ces silhouettes d'un rouge éclatant, sur le fond vaporeux. Unies, mais individualisées.


Carmontelle laisse de petites pièces de théâtre et des proverbes (et un peu de critique d’art), productions destinées à distraire la famille d’Orléans, et de nombreux portraits. S’il est un bon dessinateur, ce n’est pas un grand portraitiste. L’essentiel pour lui est de parvenir à proposer l’évocation reconnaissable d’une société, grâce à l’attention portée à un certain nombre de détails. C’est un art réaliste qui donne l’impression d’un grand naturel et qui est, pour nous, plein de charme.

Il a réalisé 750 portraits, me dit Wikipedia, aux crayons et à la gouache. L’ensemble forme une galerie, où les personnes sont peu individualisées et qui constitue une image ressemblante de l’élite sociale parisienne. La majeure partie est répartie entre le musée Condé à Chantilly et le musée Carnavalet. Plusieurs ont été reproduits par la gravure.

Carmontelle, Narcisse jeune serviteur des Orléans (musée Condé). C'est une autre peinture de Carmontelle, toujours avec Narcisse, qui fait la couverture de L'Art et la race d'Anne Lafont, vous l'avez peut-être vue en librairie. Pour la haute aristocratie, posséder un jeune serviteur noir était un signe de richesse. Posté à côté de sa maîtresse au teint diaphane, il apportait une touche d'exotisme.


Madame la marquise de Rumain et ses filles, au clavecin et à la tapisserie (1768, musée Condé)
Madame D'Esclavelles et Monsieur de Linant jouant aux échecs, sous le regard de Madame Michel (1760, musée Condé).
Les occupations de l'oisiveté. Mais ce qui fait la réussite de ces dessins, c'est la justesse des attitudes et des costumes (les perruques, les bonnets, les dentelles, les motifs des tissus). Ce sont des instantanés de vie.

Madame de Moracin (1776, musée Condé). Je viens de relire Le Grand Sommeil de Chandler et j'ai envie de dire comme Marlowe : "Elle ne doit pas être de tout repos." Elle est belle, elle est élégante et elle le sait ! Les couleurs sont éclatantes.

Deux messieurs : Marie-Joseph Savalette de Buchelay fermier général (1758, musée Condé) et L'abbé Xaupi (1760, musée Condé). L'un prend la pose dans son cabinet d'histoire naturelle. Vous voyez sur la table un machin typique de la mode du temps où un coquillage est placé sur une monture en métal, avec des branches de corail. Le tout sur une pile de livres et un adorable guéridon. Le monsieur est en tenue décontractée : savates, les bas pas encore attachés, la robe de chambre à doublure fleurie, genre le regard rêveur. L'abbé est un érudit de Perpignan. Il se tient strictement assis, vêtu de noir, dans une bibliothèque, mais on voit bien ses jolies jambes fines. L'attitude est très bien choisie.

Comtesse de Boufflers-Rouverel (1760, musée Condé). J'aime ce regard perdu dans le vague. Elle a lâché son livre et oublié son thé fumant. Très jolie porcelaine soit dit en passant. Et cette robe vaporeuse blanche.

L'exposition a donné lieu à un petit livre, dont Miriam a parlé il y a peu de temps.  Sachez que l'exposition est prolongée jusqu'au 1er août, donc allez-y !

Les semaines précédentes : les portraits au pastel ; le château de Champs-sur-Marne ; le style rocaille et le rococo ; la porcelaine

La semaine prochaine, dernier billet sur le XVIIIe siècle et nous parlerons d’un peintre.


6 commentaires:

  1. Très agréable à regarder, et on en apprend, merci!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, les teintes, les positions des personnages, tout est charmant.

      Supprimer
  2. L exposition est prolongee? Bonne nouvelle mais il y a tant à voir à Paris et autour de Paris. J ai adoré le pâtit livre qui m'a donné envie de voir "en vrai "

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui mais c'est l'occasion de passer une merveilleuse journée à Chantilly !

      Supprimer
  3. Je l'ai déja écrit mais je le remets puisque c'est vrai: comme c'est agréable de découvrir ces artistes, leurs oeuvres et les petits détails en ta compagnie. Je me demande ce que la Comtesse de Boufflers-Rouverel lit mais je prendrais bien une tasse de thé avec elle.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai l'impression qu'elle boit son thé dans une vraie porcelaine chinoise blanche et bleue, la plus chic possible !

      Supprimer

N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).