Emily Brontë, Cahiers de poèmes, traduit de l’anglais par Claire Malroux, édité chez José Corti.
"Sans titre", Cahier EJB n° 4 (1838)
La campanule est la fleur la plus suave
Ondoyant dans l’air de l’été
Ses clochettes ont le suprême pouvoir
D’apaiser le souci de mon âme
Il y a dans la pourpre bruyère un charme
Trop violemment, tristement cher
La violette a une haleine parfumée
Mais le parfum ne peut égayer
Les arbres sont nus, le soleil est froid
Et peu, si peu souvent visible.
Les cieux ont perdu leur ceinture d’or
La terre sa robe de verdure
La glace sur le ruisseau scintillant
A jeté son ombre grise
Au loin collines et vallées semblent
Drapées d’une brume gelée –
La campanule ne peut plus me ravir
La bruyère a perdu sa fraîcheur,
Les violettes au fond du vallon
N’exhalent pas de douce odeur
Mais si j’ai regret de la bruyère
Il vaut mieux qu’elle soit loin
Je sais comme vite afflueraient mes larmes
À la voir sourire aujourd’hui
Et cette fleur sauvage qui si timide
Cache sous la pierre moussue
Son arôme et son œil mouillé de rosée –
Je ne gémis point sur elle non plus
Mais sur la svelte et majestueuse tige
Le bleu argent des pétales
Que les boutons celaient tel un saphir
Dans un écrin d’émeraude
Ce sont eux qui versent sur mon cœur
Un charme calme et lénifiant
Qui s’il fait monter aux yeux les larmes
À pouvoir d’apaiser tout autant
Eux que je pleure, d’eux séparée si longtemps
Pendant le morne jour d’hiver
Pleure avec nostalgie – mais surtout quand l’errance
Sur des rives flétries me conduit
Si glaciale alors la lumière décline
Au bas du morne ciel
Et dore le mur suintant et assombri
D’un lustre passager
Oh que je languis, oh que je soupire
Après la saison des fleurs
Et fuis cette lueur qui s’éteint –
Pour lamenter les champs du pays –
je n'ai découvert ces poèmes que très tardivement, pendant longtemps, en fait depuis mon adolescence, Emily Brontë c'était les Hauts de Hurlevent et seulement ça
RépondreSupprimeril a fallu que je lise une bio des soeurs Brontë pour que j'aille y voir de plus près
ce fut un vrai choc, un peu comme celui reçu lors de la découverte d'Emily Dickinson une poésie magnifique, forte, lancinante, parfois d'une tristesse et d'une mélancolie sans nom, des vers, des images splendides
je suis encore aujourd'hui stupéfaite de la force créative de cette jeune femme malade de surcroit, qui du fond de son désert culturel a été capable d'enchanter le monde 2 fois
J'ai découvert très récemment et oui, je suis d'accord avec toi, c'est très impressionnant. Quelle maturité et quelle sensibilité.
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