La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 21 août 2021

Berthe Morisot

 

Série sur les peintres impressionnistes suite, aujourd'hui, la plus célèbre femme du groupe et une artiste majeure : Berthe Morisot (1841 -1895).

Qu'en dire brièvement ? Elle a grandi dans une famille bourgeoise et cultivée, avec sa soeur Edma qui peint également. Berthe et Edma ont d'ailleurs toutes deux exposé au Salon officiel, ce n'était pas des amatrices, même si Edma a arrêté la peinture lorsqu'elle s'est mariée. Dans le salon familial, on rencontre les frères Manet, Degas, Tissot et d'autres. Les soeurs ont d'ailleurs peint aux côtés de Corot, l'artiste du paysage.

Berthe Morisot choisit la carrière de peintre. Elle collabore avec Manet et l'influence entre les deux artistes est réciproque (même si voisinage de Manet est un peu encombrant pour la postérité) (et elle épouse son frère). Elle expose au Salon officiel, puis aux expositions impressionnistes.

Évidemment, pour une jeune femme de bonne famille, peindre comme une professionnelle au lieu de se limiter aux jolies aquarelles à fleurs, c’est le mal, mais alors exposer avec ces dangereux révolutionnaires, c’est le scandale absolu (on n'a pas idée des insultes qu'elle a reçues).


Au bal (1875 Marmottan). Une élégante aux beaux yeux noirs, dont le regard sort de la toile. Notez que les fleurs du corsage et de la coiffure sont assorties. Pour ma part, je retiens l'éventail qui a l'air de représenter une scène de galanterie à la façon du XVIIIe siècle, mais qui ressemble aussi à un jeu de cartes.

Dans le parc (1874 pastel, Petit palais). Quel merveilleux pastel ! Les traits se superposent pour représenter les herbes hautes en grandes hachures. C'est magistral (cela évoque un peu les pastels d'Anders Zorn). Pour le reste, une scène familiale où le rose et le noir se côtoient dans de subtils camaïeux.

Chasse aux papillons (1874 Orsay). La même famille un peu plus tard ? Les loisirs d'une famille bourgeoise, les enfants jouent pendant qu'un adulte lit à l'arrière-plan. Encore cette belle verdure, fraîche, un peu esquissée. J'aime ces silhouettes floues et vaporeuses, ces visages que l'on devine, la toilette évoquée par des masses de couleurs où jouent les reflets.

Eugène Manet à l'île de Wight (1875 Marmottan). C'est lui le frère et le mari ! Une belle scène d'intimité.  Une tonalité grise, mais avec les touches de couleur apportées par les fleurs. La composition est particulièrement élaborée : le port est vu à travers la fenêtre. La vue est coupée à mi-hauteur par la barre de la fenêtre et en haut les couleurs passent par les vitres, tandis qu'à gauche le regard glisse par la transparence du rideau. Le spectateur observe Manet qui contemple les deux femmes et qui leur parle peut-être - elles semblent elles-mêmes se baisser pour regarder. Il y a enfin cette grande barrière noire, qui tranche dans un tableau au coloris très doux, pour suggérer la distance.

Jeune femme assise devant la fenêtre (1879 Musée Fabre) et Jeune femme en toilette de bal (1879 Orsay).
Deux élégantes en camaïeu de blanc. J'aime beaucoup la toilette vaporeuse, aux mille reflets blancs, avec le col évoqué en trois coups de pinceau virtuoses, à gauche, avec son regard flou sous la mèche qui lui mange le front. C'est le même modèle à droite, en grande robe, mais avec le même collier. Ces épaules ne sont pas sans évoquer celles qui sont peintes par Manet (elle a tout à fait la gorge d'Olympia). Mais quelle élégance !
Le Berceau (1872 Orsay). C'est un des premiers succès de Morisot et un de ses tableaux les plus connus. De noir et de blanc (elle excelle dans les camaïeux de blancs !).

Le jardin à Bougival (1884 Marmottan). J'aime bien celui-ci parce qu'on ne voit quasiment plus rien. Le coloris est très doux et on distingue à peine les lignes d'une maison. La végétation, en taches vertes et colorées, a tout envahi dans un tourbillon de petites touches animées.

Aujourd'hui, Morisot est régulièrement exposée par les musées qui veulent "faire genre féministe mais sans se fouler et sans travailler sur des artistes moins connues, on reste dans le bankable" et elle vaut bien plus que cela. Il faut regarder ses oeuvres pour de vrai !
Les peintres impressionnistes : Édouard Manet ; Claude Monet
La semaine prochaine, un autre peintre.



6 commentaires:

keisha a dit…

Youpee, merci! Pas facile d'être une femme, mieux valait un environnement favorable (et de la ténacité personnelle, et du talent)

Dominique a dit…

Quelle douceur, quelle finesse
il y a bien des années il y a eu une expo Berthe Morisot à la fondation Gianadda en Suisse, j'habitais proche de la frontière et ce musée offrait chaque année de belles expos j'en garde un doux et magnifique souvenir
Nathalie est ce que tu lis en numérique ??

Nathalie a dit…

Oui, être soutenue et être très obstinée.

Nathalie a dit…

Oui bien sûr je lis en numérique, surtout pendant les vacances !

Passage à l'Est! a dit…

J'aime bien Eugène Manet à l'île de Wight, qui fait très "pris sur le vif". Merci d'avoir indiqué les noms des musées, car je me posais justement la question.

Nathalie a dit…

Il fait pris sur le vif, mais il est composé. C’est ça le talent.
Et toujours le nom des musées, toujours…