La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 26 février 2022

La mode au XVIIIe siècle

 

 

En guise d’intermède, avant les billets consacrés à mon séjour à Nantes, un billet sur une exposition qui se tient au Musée des arts de Nantes : À la mode. L'Art de paraître au XVIIIe siècle.

C’est elle qui m’a servi de prétexte pour me rendre dans cette ville – vous connaissez mon amour pour le XVIIIe siècle !

L’exposition montre à la fois des costumes (beaucoup sont conservés au musée Galliera) et des peintures. Elle s’attache à différents aspects : la mode, l’apparat, codes sociaux pour les hommes et pour les femmes, l’essor d’un costume féminin plus simple à la fin du siècle. Son propos est très pédagogique. Les différentes pièces du costume sont présentées, ainsi que certains aspects de leur confection. Elle met en rapport les vêtements et leur représentation par la peinture, montrant ainsi comment une mode s’élabore et se répand, depuis le portrait d’une grande favorite jusqu’aux gravures de mode.


À gauche Le Portrait d'anne-adélaïde de la Michodière par Alexandre Roslin (1783, Cholet). À droite le Portrait d'une femme par Adélaïde Labille-Guiard (1787 Quimper). Les deux dames sont à la dernière mode et la plus luxueuse, mais chacune dans un style bien différent. D'un côté, le satin rose contraste avec la petite fourrure noire. Un grand noeud et de la dentelle. Tout cela met bien en valeur la gorge, les joues roses et les yeux sombres. De l'autre, un délicat camaïeu de gris clair, depuis le voile brodé de plumetis qui couvre et laisse deviner la gorge jusqu'à la robe "toute simple" à l'anglaise et la poudre des cheveux.


Était aussi exposé le Portrait de madame Crozat par Aved (1741, Montpellier) (que je vous ai déjà montré), en dentelle et satin blanc, et broderies dorées. Un portrait qui illustre une ascension sociale et financière, tout en étant réaliste en montrant une dame âgée.

Le célébrissime (si, si) tableau de François Boucher, La Marchande de mode (1746, Stockholm) où l'on voit une élégante examiner les rubans et dentelles d'une petite marchande. Les deux femmes sont aussi bien habillées l'une que l'autre. Ce sont les dentelles qui, une fois cousues, agrémentent un vêtement. Au XVIIIe, on ajustait, recousait, décousait, réutilisait beaucoup, ce qui explique que peu de vêtements anciens nous soient parvenus.

Heureusement quelques pièces ont survécu. L'exposition montrait plusieurs robes, une paire de jarretelles (avec des inscriptions libertines !), des gants, des ornements de manche, etc. Ici vous voyez un casaquin en soie, doublure en lin, avec dentelles d'argent (1730-40, musée Galliera) et une pièce d'estomac en taffetas de soie (1750-80, Écouen).
Le casaquin est un corsage ajusté qui s'inspire de l'habit masculin, à la fois pour la coupe et l'emplacement du décor. La pièce d'estomac se portait avec les robes à la française (on le voit sur le portrait de Mme Michodière, là où il y a le noeud rose). Très orné de rubans et de broderies et vous voyez les emplacements pour le fixer.

Et les messieurs ? Ah les messieurs du XVIIIe siècle étaient bien habillés avec la culotte et les bas qui mettaient leurs mollets en valeur, le petit col montant et ces couleurs chatoyantes ! Ici un habit à la française, avec gilet et culotte, en satin de soie prune, et surtout avec des broderies qui déchirent ! (1775, Musée historique de la ville de Strasbourg). Très ajusté également. Un bel habit d'apparat.

On peut aussi préférer une certaine simplicité. Portrait de François Ménageot par Marie-Victoire Lemoine (1785, Versailles). Un habit bleu avec des reflets qui prennent la lumière, bien ouvert pour laisser voir ce magnifique gilet en taffetas de soie délicatement crème, aux petites fleurs bleues, qui fait ressortir le blanc du tour de cou en mousseline. Quel dandy ! Monsieur devait plaire.

J'avoue une grande passion pour les gilets d'homme, aux broderies légères, printanières, fleuries, qui habillent si bien une chemine et qui donnent l'air à la fois élégant et décontracté. Bref. À droite, un gilet d'homme en taffetas de soie (1770, Galliera). À gauche, un gilet brodé avec des figures illustrant une pièce de théâtre et une tragédie (1785, Galliera). Le gilet est en pièce et le décor est à disposition, c'est-à-dire que le morceau de tissu peut facilement être envoyé et monté ensuite aux dimensions adéquates, avec les ajustements de dernière minute. Il suffit de coudre ce devant à un dos tout prêt. Les broderies des boutons se trouvent sur un tissu à part. Il suffit de les fixer sur un rond de bois. C'est une technique formidable. 

Vous rappelez-vous des Regrets sur ma vieille robe de chambre de Denis Diderot ? Un genre de vêtement doudou, mais version mythe d'artiste ! À gauche une robe de chambre et son gilet assorti (1755, Galliera). Ce vêtement est un dérivé des kimonos que l'Europe a découvert suite au commerce avec le Japon, ou des robes de Perse, mais reprend aussi les codes du vêtement masculin (d'où le gilet). À droite le Portrait d'Alphonse Leroy par David (1783 Montpellier). La tête drapée dans un turban, la robe de chambre "chic mais décontractée", attitude sérieuse, mais libérée des contraintes sociales, confortable. Très tendance.

Portrait d'Abraham Fontanel par Duplessis (1779, Montpellier). Ici ce n'est pas un portrait d'apparat, mais  quelque chose de plus intime et familier. Monsieur est en chemise, avec un beau gilet, sans rien autour du cou. Le portrait est superbe. Il a un regard qui attrape le spectateur et ne le lâche pas. Les vêtements sont coûteux, mais le genre intellectuel-artiste décontracté est là. Va-t-il ouvrir son gilet et se déshabiller ? Ou exhibe-t-il sa réussite et son aisance sociale ?
Les femmes aussi aspirent à plus de simplicité et de naturel. Ce Portrait de la duchesse de Polignac par Vigée-Le Brun (1782, Versailles) évoque le célèbre portrait de la reine par la même peintre et qui a fait scandale. Évidemment, la simplicité est très étudiée : le chapeau de paille avec les fleurs naturelles et la plume, un chapeau dit à "la jardinière", une robe de cotonnade blanche qui n'est plus caparaçonnée. Une robe qui est comme une chemise de dessous ! La ceinture semble être une écharpe nouée à la taille. Marie-Antoinette, la duchesse et la peintre ont réellement contribué à la diffusion de cette nouvelle mode.

Une robe de coton mousseline (1790, Galliera), longiligne, mais ajustée, rappelant les longs drapés à l'antique, avec des broderies à la grecque sur les manches et en bas. Un caraco de coton blanc (1780, Galliera), tout simple ? La mousseline a été tissée en Inde. Ce tissu évoque le linge intime, mais il éclipse la soie, dans une sorte de naturel très étudiée. Notez comme la taille et les épaules sont ajustées, les volants délicats. On n'est pas dans le laisser-aller ! Je veux ce caraco !

L'exposition traite principalement de la mode, de son commerce et des pratiques des consommateurs, mais peu des conditions de production : le coton cultivé dans les colonies par le biais de l'esclavage, les filatures, les tissus fabriqués en Inde, les ouvrières en dentelle depuis leur domicile, les broderies, les ateliers, etc. J'ai acheté le catalogue, je verrai bien si ces sujets y sont abordés ou pas. Mais admirer tous ces costumes qui ne sont jamais exposés habituellement était un vrai bonheur.
Bref, l'exposition est magnifique. Elle s'achève le 6 mars. Elle donne envie de se faire faire plein de vêtements. Elle n'est pas sans évoquer l'exposition L'Impressionnisme et la mode qui s'est tenue au musée d'Orsay (2012-2013).

ADDENDUM COMMENTAIRES : Ce matin, impossible de laisser un commentaire sur mon propre blog !!! Je n'y suis parvenue qu'en entrant la catégorie "anonyme". Bref, si vous voyez que vos commentaires ne sont pas validés après délai raisonnable, essayez d'être anonyme ou envoyez un courriel marketmarcel@live.fr ou sinon twitter @1pseudodeplus pour me signaler le problème. J'espère que c'est transitoire.

6 commentaires:

  1. Sans doute un gros bonheur de découverte. Mais j'aurais aimé savoir comment le petit peuple s'habillait, sans doute plus grossièrement? Parlait-on aussi des habits des enfants? (oui, je sais, même mode que pour les parents, je crois)

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  2. On est à l'époque où il faut faire ou faire faire ses vêtements à partir de tissu pour les populations les plus aisées. Il y a ensuite un circuit de don et de vente et de récupération des vêtements. Le vêtement d'alors comporte beaucoup de pièces réutilisables ou transformables (manches, col, devant de corsage). Dans La Mort est dans Paris l'historien décrit bien le vêtement des plus pauvres fait de bric et de broc : rapiécé, raccommodé, transformé, raccourci, rallongé, teint, etc. Le sujet est bien connu des historiens mais le vêtement des petites gens ne fait pas la mode, n'est pas représenté en peinture et est très rarement conservé dans les collections. Donc, non, ce n'était pas dans l'exposition.

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  3. Je me posais moi aussi la question, en te lisant et en admirant ces costumes, des conditions de production. J'ai vu récemment (en Hongrie) une exposition sur l'industrie du gant dans laquelle on parlait beaucoup de la famille qui avait lancé ça dans le dernier tiers du XIXe, mais pas du tout des gens qui les produisaient. Ce côté "histoire sociale/histoire d'une région" m'a manqué.

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    1. Pour être honnête, ce n’est pas le propos de l’exposition dont tout l’intérêt est de mettre en rapport des costumes et des peintures, des femmes stars et des peintres. Elle parle de la diffusion de la mode et pas de la fabrique du costume. Il faudrait une seconde exposition !

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  4. cette expo m'aurait beaucoup plu !

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    1. Sans aucun doute. Encore une semaine , je crois, pour y aller.

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