Gabriel García Márquez, Chronique d’une mort annoncée, parution originale 1981.
Dans une petite ville au bord du fleuve, les jumeaux Vicario tuent Santiago Nasar, pour une histoire stupide d’honneur et de patriarcat. Tout le monde le savait, ils l’avaient annoncé dans l’espoir qu’on les en empêche, mais rien ni personne ne vient arrêter le meurtre. Des années après, le narrateur interroge et recoupe les témoignages pour essayer de comprendre pourquoi.
Victoria Guzmán, de son côté, dut catégorique en répondant que ni elle ni sa fille ne savaient que l’on attendait Santiago Nasar pour le tuer. Mais dans les années qui suivirent elle admit qu’elles le savaient quand il entra dans la cuisine pour prendre le café. Cela le leur avait été dit par une femme qui passa après 5 heures demander un peu de lait par charité et qui leur révéla en outre les motifs et le lieu où on l’attendait. « Je ne le prévins pas parce que je pensais que c’étaient des racontars d’ivrogne », me dit-elle.
Ici, tout est très simple, du moins au début. On connaît le nom des assassins, de la victime, le prétexte, le lieu, l’heure. Mais tout est incompréhensible. Quand le narrateur essaie de reconstituer les événements, minute par minute, il y a des contradictions dans les témoignages et il s’avère que personne n’a essayé d’arrêter les assassins ou de prévenir la victime. C’est qu’il y a une quantité phénoménale de personnages. Au début, j’ai cru que c’était moi qui pataugeais, comme d’habitude, incapable de retenir qui est qui, mais non. Nous ne sommes pas dans un roman policier et le but est bien de perdre le lecteur. Tous ces gens, qui emplissent la ville, qui sont présents, qui assistent au meurtre, qui savent tout, mais ne font rien. Bien sûr, le soupçon vient que le narrateur essaie de nous manipuler, de nous perdre – où était-il lui, dans l’histoire ? Son enquête ne sert pas à grand-chose, à part nous parler de ce qu’est devenue la jeune femme. Il accumule les mots, mais les faits se troublent sans cesse.
Alors elle en avait eu l’intuition. Elle avait la certitude que les frères Vicario n’étaient pas tant impatients d’accomplir la sentence que de rencontrer quelqu’un qui leur ferait la faveur de les en empêcher. Mais le colonel Aponte était en paix avec lui-même.
Zao Wou-Ki Sans titre 1958 HT privé |
Le tout est raconté dans une langue concrète, mais simple. Je l’ai lu en espagnol, dictionnaire à la main certes, mais j’ai trouvé que le vocabulaire était précis et efficace. Peu d’argot, peu de poésie. Le récit est prenant (même en VO) et l’auteur parvient à tenir le lecteur en haleine, alors que tout est dit. On sait bien que Santiago Nasar n’échappera pas à son destin, celui que lui a tracé le romancier.
Le monde qui nous est présenté est violent. La vie est dure pour les femmes. Et l’argent fait tout. Du boucher ou du médecin, on ne sait pas bien qui est le pire dans les actes d’atrocité. Le récit du meurtre est épouvantable, d’une longueur exagérée.
Il y a quand même la couleur des perroquets et des oiseaux.
Ils étaient tous les deux épuisés par le labeur barbare de la mort, et ils avaient les vêtements et les bras imbibés de sueur et de sang encore frais, ainsi que le visage, mais le curé se rappelait leur reddition comme d’un acte d’une grande dignité.
Les citations sont des traductions personnelles.
De l'auteur, j'ai aussi lu Cent ans de solitude.
Participation en VO au mois de l’Amérique latine d’Ingannmic.
Je pense avoir lu (sans souvenirs) Cent ans de solitude; actuellement je cherche plutôt des idées pour l'année prochaine (2666? Garcia Marquez?)
RépondreSupprimerLe narrateur qui perd son lecteur, pas gênant, s'il y a autre chose autour.
Je tenterai peut-être L'Amour au temps du choléra, je crois que je l'ai en français !
SupprimerBravo pour la lecture en VO. La lecture de ce titre, qui remonte au lycée je crois, m'a marquée (le fait d'avoir vu l'adaptation ciné presque au même moment a dû aider), ce poids de l'inéluctable...
RépondreSupprimerIl faudrait que je le relise.
Pas vu le film et j'avoue que je savais pas du tout à quoi m'attendre, mais je suis impressionnée.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé Garcia Marquez il y a maintenant bien longtemps, découvert avec Cent ans de solitude. J'ai retrouvé cet auteur récemment, pendant le sommeil de mon blog: L'Amour au temps du cholera est une de mes grandes lectures de l'automne. Celui que tu chroniques est au programme de mes prochaines lectures.
RépondreSupprimerIl faudrait que je relise Cent ans... et que je lise les autres. Tout un programme.
Supprimerje n'accroche pas vraiment à la littérature sud américaine même si j'ai aimé deux romans de Marquez bien évidement
RépondreSupprimerC'est un immense auteur, très poétique, et puis quand même avec une sacrée puissance d'évocation, dans Cent ans de solitude.
SupprimerUn souvenir lointain cette lecture, il faudrait la reprendre, alors que je garde un souvenir vif du magnifique Cent ans de solitude ( lu il y a aussi longtemps ). Je reviens également ce mois-ci à Garcia Marquez, lecture en cours.
RépondreSupprimerJe connais très mal l’auteur donc je suis curieuse de lire ton billet.
Supprimerlu autrefois, il faudrait que je relise Garcia Marquez, peut être reprendre 100 ans de solitude?
RépondreSupprimerOui moi aussi j’aimerais bien le relire.
SupprimerJe l'ai découvert avec "L'amour au temps du choléra" l'an dernier, mais avec le temps ce sont surtout les aspects négatifs qui me restent. Je lirai peut-être "Cent ans de solitude" pour ma culture personnelle, mais je suis assez refroidie pour l'instant.
RépondreSupprimerL'auteur n'est pas forcément sympathique et il campe un univers assez violent machiste, mais pour le moment, j'apprécie mes lectures.
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