La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 12 avril 2022

Le jour a cessé comme une lampe que l’on souille.

 Titaÿna, Une femme chez les chasseurs de têtes, à partir de 1934, réédité par Marchialy.

 

Recueil d’articles d’une journaliste de l’Entre-deux-guerres.

Les premiers textes nous emportent… quelque part dans ce qui est alors les Indes néerlandaises, c’est-à-dire en Indonésie d’aujourd’hui, dans la forêt tropicale, auprès des Torajas, une population autochtone en voie de colonisation. Elle séjourne chez eux et décrit leur vie, notamment une fête funéraire. C’est une entrée en matière extrêmement forte. Le choc culturel est total (surtout pour le lecteur). À son retour, l’autrice raconte les effets néfastes des missionnaires chrétiens sur ces populations.


30 kilomètres, seule, dans une jungle presque inviolée ont émietté le souvenir de la civilisation. La terre était maîtresse de son orgie, des singes me regardaient sans fuir, il fallait renverser complètement la tête en arrière pour apercevoir, au fond d’un trou, un coin de ciel sans couleur.


Il y a ensuite un séjour à Bornéo, avec le récit d’une nuit cataclysmique où le sommeil est interrompu par un singe, puis par l’orage, la pluie, les tambours. C’est un voyage à pirogue dans la forêt, un pays où les sangsues s’accrochent au moindre bout de peau. Là encore, très impressionnant.

Ensuite, un voyage en voiture en Perse (moins original) (sauf le récit de la fête commémorant les massacres de Kerbella où les hommes se mutilent volontairement, j’ai le souvenir d’images à la télé totalement effrayantes).

Et des récits de voyages en avion dans les États-Unis de la Prohibition (pittoresque).

Et un article où Titaÿna retrace son parcours de journaliste.

On sent en permanence le respect pour celles et ceux qui l’entourent, l’acceptation de leurs croyances et de leur mode de vie, le pragmatisme pour faire face aux difficultés du voyage. La jeune femme apparaît inadaptée à la civilisation et à ses contraintes sociales. Elle aime être seule de son espèce parmi des étrangers, perpétuelle invitée, mais jamais permanente.

Une lecture très intéressante.

 

Seule dans la cabane suspendue au-dessus du sol, je me sens abandonnée à la nuit ; sous mes pieds, entre les planches, je devine une vie grouillante de chiens, rats, animaux divers. Ma lampe à pétrole soufflée, je me glisse sous ma moustiquaire soigneusement rebordée, me roule dans trois couvertures où, recroquevillée par un froid malsain, je vais attendre le sommeil.

 

Titaÿna est le pseudonyme d’Élisabeth Sauvy, une femme dans ce milieu de grands reporters virils. J’aime beaucoup son style, sobre, mais capable de dresser rapidement le portrait d’un individu, d’émouvoir et d’évoquer l’état d’esprit de l’autrice. Malheureusement, elle s’est compromise par des articles antisémites et collaborationnistes pendant la Seconde guerre, ce qu’omet soigneusement de préciser l’éditeur. N’empêche que je me demande ce que sont devenues ses photographies. Un certain Benoît Heimermann a publié une biographie d’elle. Pourquoi pas, ce doit être intéressant.


Image Wikipedia. Quelle classe !


 

4 commentaires:

  1. Figura toi que je n'en ai jamais entendu parler!!!

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    1. Quewa ? Pourtant ses articles ont été réunis en livres et édités à plusieurs reprises !

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  2. totalement inconnue pour moi, ton billet est fort intéressant

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