La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 13 juillet 2022

Mais j’ai fait appel à tout mon cran et poursuivi ma route.

 Mark Twain, Ascensions en télescope, traduit de l’américain par Béatrice Vierne, parution originale 1880, édité en France par Hoëbeke.

 

Le texte fait partie, avec d’autres récits, du volume Un vagabond à l’étranger

Vous le savez, le XIXe siècle, c’est le siècle de l’essor du tourisme. Apparaissent (ou plutôt se développent et se mettent en place de la façon structurée que nous connaissons) les villes balnéaires, les sites remarquables à visiter, les souvenirs de vacances… et si pour le moment seules les classes aisées ont accès à ce loisir, progressivement la clientèle s’élargit. Donc Mark Twain, riche touriste américain, voyage en Europe, en Allemagne et en Italie notamment, Baedeker en main, et il se rend aussi en France et Suisse à la découverte des Alpes.

 

Ma foi, me voilà satisfait. J’ai vu les deux principaux phénomènes du paysage suisse – le mont Blanc et le goitre – à présent, je rentre chez moi !

 

Ce livre relate son voyage, selon deux axes principaux :

·      La découverte du paysage alpin, de la haute montagne, des chemins escarpés, des abîmes, de l’altitude, avec des descriptions enthousiastes. Twain est manifestement sincèrement très impressionné par les sommets.

·      L’évocation humoristique de la société touristique : les voyageurs dont il fait partie, les importuns que l’on rencontre en voyage, les guides qui vous escroquent, les randonneurs harnachés de pied en cap, ceux qui préfèrent être portés par une mule, ceux qui mettent 3 jours à accomplir une petite balade de 2 heures, les coucous suisses, etc. C’est humoristique et potache, souvent drôle, mais aussi plus convenu (j’ai passé quelques pages).

L’ensemble est distrayant et plutôt très agréable à lire.

 

Entre autres effets sortant de l’ordinaire, il y a dans les Alpes, lorsque le soleil luit sur des étendues de neige éloignées, une blancheur éblouissante et intense, dont on s’aperçoit aussitôt qu’elle est singulière et n’a rien de familier au regard.

 

Twain semble particulièrement impressionné par les effets de l’altitude sur la perception des distances : tel refuge que l’on croit très proche est situé en réalité sur un autre sommet tandis que le village en contrebas peut être distingué dans ses moindres détails, jusqu’au plus petit mouton, alors qu’il est situé bien loin du marcheur. Ce phénomène semble le fasciner au gré de ses marches à la découverte des paysages alpins. Il y a de magnifiques descriptions des glaciers, avec la description de leur rapetissement au fil des siècles. Twain est capable d’observations très sérieuses et profondes face à ces géants de glace et de roche. Il n’omet pas de raconter plusieurs tragédies de l’alpinisme, il a été visiblement bouleversé par certaines d’elles.

Le monument à Saussure à Chamonix

Avec ce texte, l’auteur se moque des récits de voyage et de leurs péripéties obligatoires, tout en commettant un. Il y a une belle caricature des raseurs qui vous racontent leurs excursions avec force mots du cru pour vous impressionner. 

Enfin, de passage à Chamonix, il y a une hilarante ascension du Mont Blanc en télescope qui illustre bien le talent de brillant conteur de l'auteur. J’avoue que c’est une trouvaille.

 

Leurs guides de voyage, à couverture rouge, étaient ouverts à la page où figurai une illustration de la vue, et ils s’efforçaient laborieusement d’identifier chaque montage et d’imprimer dans leur mémoire son nom et sa position. J’ai rarement vu un spectacle aussi navrant.


Quelque chose d’apaisant émanait de cette présence silencieuse, grave et redoutable ; on avait l’impression de rencontrer l’immuable, l’indestructible, l’éternel face-à-face, et d’avoir par contraste un sens d’autant plus aigu de la nature futile et éphémère de sa propre existence. On se sentait sous la contemplation rêveuse d’un esprit, et non d’une masse inerte de rocs et de glace.

 

Twain sur le blog :

Les Aventures de Tom Sawyer

La Vie sur le Mississippi

Aventures de Huckleberry Finn
Dompter la bicyclette et autres déboires
N° 44. Le mystérieux étranger
Le Rapt de l'éléphant blanc
 : billet, extrait du Récit d'un chevalbillet sur Le Journal d'Adam et Ève
Autobiographie
Volume 1
3000 ans chez les microbes
Quand Satan raconte la terre au Bon Dieu

 


8 commentaires:

keisha a dit…

J'ai quelques livres de l'auteur chez moi... il semble avoir pas mal écrit sur ses voyages. Au moins une vision intéressante sur l'époque.
Et je vois que tu lis Ebène!

Dominique a dit…

Quel écrivain ! même si de temps à autre il abuse de l'humour j'aime vraiment son style je n'ai pas lu cette épopée je vais noter ça sur pour ma PAL qui a tendance à s'écrouler là

nathalie a dit…

Oui il y a des récits sur l'Allemagne (sur la langue allemande notamment !), sur l'Italie, l'Angleterre... C'est un peu dispersé.

nathalie a dit…

L'humour peut être un peu systématique dans certains passages, mais globalement, c'est très absurde et brillant.

miriam a dit…

Il faut donc que j'y retourne!

Nathalie a dit…

À Twain ? À Chamonix ? Les deux ?

Patrice a dit…

Je comprends pourquoi le blog est sous le parrainage de Mark Twain maintenant :-). C'est un auteur que je n'ai encore jamais lu mais je sais où trouver l'inspiration. Quel est le titre que tu conseillerais pour découvrir cet auteur ?

nathalie a dit…

J'avoue tout !
Pour débuter, si tu préfères de la fiction, le chef d'oeuvre est Huckleberry Finn incontestablement (avec Tom Sawyer). Il y a aussi le recueil de nouvelles Le rapt de l'éléphant, mais c'est un gros machin, vaut mieux l'emprunter en bibliothèque si tu peux. Plein de pépite à l'intérieur.
Pour le récit de voyage, la Vie sur le Mississippi reste un classique à mon sens.