La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 13 avril 2023

Elle aimerait parler avec lui. Mais les mots ne sortent pas.

 Herbjørg Wassmo, Un long chemin, parution originale 1984, traduit du norvégien par Luce Hinsch.

 

Au début du livre, le récit passe par le regard d’un petit garçon de 5 ans. À la maison, les parents sont préoccupés. Il y a des soldats allemands, un dépôt de munition, des prisonniers russes. Et il ne faut pas parler de ce que l’on voit ou comprend. Et puis, sa mère semble très préoccupée.


Il n’y a pas que les myrtilles. Ils parlent parfois de la guerre avec de drôles de voix rauques. Il a la vague et inconfortable sensation que c’est plutôt à cause de la guerre – plus qu’à cause des myrtilles – qu’ils font cette excursion dans les bois.


C’est le Nord de la Norvège, c’est la Seconde guerre mondiale et un homme décide de rejoindre la Suède, avec sa famille, pour fuir une arrestation et la mort. Le père, la mère et le garçon marchent et skient dans la neige pour atteindre la frontière, puis un chalet refuge. Il neige, la température est négative (-30°), ils avancent. Il ne faut pas s’endormir, il faut marcher, sinon les membres gèlent, les orteils, les doigts, le nez. Véritable épreuve qu’ils traversent, suivie des jours dans le chalet à attendre les secours en voyant leurs chairs noircir et se nécroser. Insensiblement, le regard passe à celui de la mère et nous suivons tout leur parcours.


La guerre les a rattrapés. Ce n’est plus un jeu héroïque et excitant. C’est la folie des hommes. Elle pense à cela quelques minutes pendant qu’elle essaie d’oublier son propre corps misérable.


Adler, Les Mutilés, 1942 Tate

Ce très court roman raconte l’histoire de la guerre qui s’abat sur les civils. Il est question des héros que l’on ne voit pas, de ce petit garçon qui sait se taire quand il faut, et marcher en allant presque jusqu’à la mort, de ces hommes et de ces femmes échoués dans les hôpitaux suédois avec diverses blessures, d’une femme qui sait récupérer de la farine supplémentaire pour nourrir les hommes qui sont cachés, des blessures à vie qui les affectent et qu’ils n’ont pas choisies. Il y a toute la violence du froid, du gel, de la fièvre, des hallucinations, des cauchemars, des obsessions, peut-être des regrets. Des personnes ordinaires se trouvent à affronter des douleurs inouïes, qui les marqueront à vie, sans qu’elles n’aient aucune prise sur les événements.

Un livre bouleversant et très prenant.

 

Elle sait qu’au milieu de toutes ces plaisanteries macabres les gars livrent un combat personnel, qui ne se limite pas à la nostalgie des membres perdus et de leurs foyers. Elle devine que certains se demandent au fond pourquoi c’est justement à eux que c’est arrivé, et qu’ils ne sont pas revenus du choc de se savoir mutilés à vie.

 

Elle a l’impression que même si elle arrivait à s’arracher la peau et les cheveux, il resterait quand même toujours quelques poux en train de fourmiller au plus profond de ses oreilles, de son nez. Finalement les démangeaisons et la certitude de l’existence des poux sur son corps se mêlent aux cauchemars de son sommeil. Elle est mangée vivante par la vermine. Ils creusent en elle jusqu’à ce qu’il ne reste plus que ses vêtements crasseux. Elle croit la sentir – la vermine – jusque dans les fibres de l’étoffe.


Lecture commune Wassmo avec Ingannmic qui a lu La Véranda aveugle. Et Doudoumatous a aussi lu La Véranda aveugle, un titre qui a l'air très fort !  Me voici prête à me lancer dans le célébrissime Livre de Dina, dont il a déjà été abondamment question sur les blogs.

Une autrice.




 

11 commentaires:

keisha a dit…

Ah pas le même titre que tes co lectrices! J'ai déjà lu l'auteure, sans envie spéciale de continuer.

nathalie a dit…

J'ai aussi le 1er volume de la saga Dina sur l'étagère mais oui, j'ai préféré commencer avec celui-ci.

Ingannmic, a dit…

Figure-toi que j'ai commencé à lire ton billet sans faire attention au titre, et je me suis fait peur ! J'étais en train de me dire que je perdais la tête puisque j'avais déjà complètement oublié le début d'un roman que j'ai lu il y a à peine trois semaines... mais non, ouf !
Je note ce titre évidemment, Wassmo est une autrice dont j'ai l'intention d'explorer l'œuvre, depuis la lecture de La trilogie de Dina, qui est excellent, tu verras...
Mais avant, je vais continuer avec Tora, La véranda aveugle étant aussi le 1e volume d'une trilogie.

Dominique a dit…

j'ai aimé tous ses livres, une auteure splendide et tellement émouvante avec des textes sans pathos mais tellement profonds que l'on reste figé

nathalie a dit…

Cela ne m'étonne pas qu'elle te parle. Je compte bien continuer dans ma découverte.

nathalie a dit…

Ah la frayeur !
En lisant le billet de Doudoumatous j'ai compris qu'il s'agissait d'une trilogie. Sa lecture est donc au programme après celle de Dina.

je lis je blogue a dit…

Quand je lis ton résumé, je reconnais bien le style de l'autrice et certains des thèmes abordés dans "La véranda aveugle". Je vais peut-être attendre un peu avant de poursuivre l'exploration de son œuvre car on ne sort pas indemne de ce genre de lecture.

nathalie a dit…

Ah je comprends, elle a une force particulière.

Ingannmic, a dit…

Coucou, nous avons convenu avec Doudoumatous de lire le 2e tome de la trilogie de Tora pour le 21 juin. Si tu veux te joindre à nous, avec un autre titre...

nathalie a dit…

Ah c'est gentil de prévenir. En principe j'ai décrété un moratoire sur les lecture communes du 1er juin au 15 septembre (oui), mais le livre que j'ai est tout petit donc je céderai peut-être... Bon, je note en tout cas !

Ingannmic, a dit…

Mais oui, c'est sans contrainte, si tu es prête à ce moment-là, tant mieux, sinon, c'est pas grave...