La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 29 juillet 2023

Je vois le déluge monter.

 

 

Susan Scott Parrish, 1927. La grande crue du Mississippi, traduit de l’américain par Olivier Salvatori, parution originale 2017.

 

J’ignorai complètement l’histoire et elle est sacrément intéressante. Depuis le début du XIXe siècle, les États-Unis ont massivement déboisé tout l’Est du pays et supprimé tous les terrains où l’eau pouvait se stocker naturellement. Il y a de plus de grandes plantations de monoculture (notamment de coton). Le fleuve a été endigué, mais plus on construit de digues, plus le fleuve charrie des sédiments et plus le niveau d’eau monte, et plus il faut des digues hautes, etc., mais aucun réservoir de délestage n’a été construit.

La catastrophe se produit pendant les six premiers mois de 1927 : les pluies sont abondantes et l’eau du Mississippi monte. Les digues se fissurent. L’eau du fleuve est tellement abondante qu’elle reflue dans les affluents qui débordent eux-aussi. C’est bientôt tout une partie du pays qui est sous l’eau.


Mais ici la catastrophe n’est pas créée simplement par l’ignorance et l’arrogance humaine à vouloir façonner la nature. On est aussi dans une histoire du racisme et de l’esclavage et des enjeux complexes d’identité. 50 ans après la guerre de Sécession, les noirs du Sud sont toujours exploités par de grands propriétaires. La relation des noirs du Nord (des grandes villes, ceux qui sont allés à l’université) avec eux est complexe, faite de solidarité et de paternalisme. Il y a les riches blancs du Sud qui se sont enrichis dans l’exploitation forestière et ne veulent surtout pas que leurs ouvriers noirs tirent bénéfice de l’événement, en s’enfuyant ou en obtenant une amélioration de leurs conditions. Il y a aussi les pauvres blancs du Sud. Il y a la relation entre le Nord et le Sud – c’est la guerre qui se rejoue. Puisque les travaux sur le fleuve sont supposément imposés par « Washington », puisqu’il s’agit de venir au secours de ce pauvre Sud sous-développé et arriéré, puisqu’il faut préserver l’ordre social en place, etc.


Si le nombre de victimes de la crue fut au final plus limité que celui d’autres catastrophes écologiques du XXe siècle, ce qui la rend culturellement si écrasante est la façon dont elle a rematérialisé, pour les Américains du Nord comme du Sud, noirs comme blancs, les cauchemars identitaires de l’esclavage et de la guerre de Sécession.


Il y a les immenses camps de la Croix rouge, où la ségrégation est bien appliquée. À l’époque, on parlait sans complexe de « camp de concentration » (en France également dans les années 30), mais évidemment depuis, on a changé de terme.

Il y a le rôle des médias puisque la catastrophe a été suivie par les journaux et la radio, mais aussi par les artistes de vaudeville, noirs et blancs, du pays (c’est la partie la plus réussie du livre, je pense).


Katrina (2005) n'a rien inventé.

Sur un événement aussi complexe, le livre m’a déçue. Mal structuré, mal écrit, pas très clair, pas assez concret. L’événement en lui-même n’est pas raconté avec clarté et il n’y a pas grand-chose sur ce qui se passe dans les années immédiatement postérieures. Je l’ai lu en grande diagonale, en retenant le propos et surtout en me disant qu’il serait intéressant de relire certains pans de la culture américaine à l’aune de cette catastrophe majeure, dont j’ignorais tout jusque-là. Et je vous en parle, car je pense que vous êtes aussi ignorants et intéressés que moi !


Je note quand même : la chanson Back Water Blues de Bessie Smith, les romans de Faulkner et ceux de Richard Wright.


 

Après cette semaine sur le Mississippi, le blog va prendre une pause. Moi-même je vais bientôt partir en vacances. Encore quelques jours... Retour du blog et de moi-même fin août ou début septembre, avec des réserves de lecture et des photographies. Il y aura de l'herbe verte, des châteaux, des musées... Prenez le temps de tout débrancher aussi et à bientôt !

 


 


 

10 commentaires:

keisha a dit…

Bizarrement ou pas, les raison de la catastrophe font écho en moi, avec toutes mes lectures j'ai bien dû lire là dessus, mais où?
Dommage que tu sois déçue par les côté brouillon.
Bonnes vacances! (tu snobes la plus belle des régions? Micro climat respirable depuis une ou deux semaines, dommage qu'il n'y ait pas la mer, ce serait parfait)

nathalie a dit…

Attends, tu vas voir, je vais dans une région où personne ne va jamais !

keisha a dit…

Là tu me rends encore plus curieuse! J'ai quelques idées sur des coins fort peu fréquentés (à tort bien sûr) , je ne vais rien citer pour ne pas en vexer les habitants (des veinards!)

Ingannmic, a dit…

J'allais attraper un stylo pour noter (quel sujet !) lorsque je suis arrivée à la dernière partie de ton billet. Quel dommage... je suis moi aussi très curieuse quant à ta destination de vacances !
Je débranche (totalement) en ce qui me concerne en fin de semaine prochaine, pour rejoindre les sentiers escarpés des Pyrénées catalanes.

nathalie a dit…

Tu comprends que je me sois laissée séduire par le sujet du livre.
Je suis encore pour une semaine à Marseille et après je monte dans le train... J'espère être à la hauteur du suspense insoutenable que j'ai suscité !

miriam a dit…

Dommage que le livre soit décevant. Les thèmes abordés m interesent

nathalie a dit…

Oui cela pourrait être passionnant.

Carmen a dit…

Je crois que je vais m’intéresser à cet auteur Italien Calaciura. Le tram de Noël en premier.

nathalie a dit…

J'ai vraiment aimé Borgo Vecchio, qui est une merveille, mais ce Je suis Jésus me déçoit, tu peux l'éviter ! Je ne connais pas le titre que tu cites.

Carmen a dit…

Ah, je vais m’abstenir pour ”Je suis Jesus ”. Le tram de Noël, c’est un court roman qui a l’air touchant.Je vais l’emprunter.