La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 27 juillet 2023

Il n’y a qu’un seul moyen de devenir pilote, c’est d’apprendre par cœur ce fleuve entier. Tu dois le connaître comme les lettres de l’alphabet.

  


Mark Twain, La Vie sur le Mississippi, parution originale 1883, traduit de l’américain par Bernard Blanc, édité en France par Payot.

 

Une relecture.

La première phrase est la suivante : « Le Mississippi est un sujet qui vaut la peine. » Tandis qu’au deuxième chapitre, il est écrit que la réputation de Louis XIV est exagérée. Nous voici au cœur du sujet !

Dans un premier chapitre, Twain présente le fleuve et ses caractéristiques folles : sa longueur, sa capacité à se déplacer, à croître, à déborder, à disparaître, à s’allonger ou à se raccourcir. Tout cela est vrai et on se dit qu’un tel fleuve est seul à la hauteur de l’écrivain, de sa mauvaise foi, de son humanité, de son humour et de son intransigeance. C’est à un double portrait que nous aurons affaire.


Le Mississippi est remarquable encore pour une autre raison : sa tendance à faire des bonds prodigieux en coupant à travers d’étroites langues de terre, et donc à redresser et à raccourcir son cours. Il a plus d’une fois réduit sa longueur de trente miles en un seul bond ! Ces raccourcis ont eu de curieuses conséquences : ils ont laissé derrière eux plusieurs villes fluviales en pleine campagne et créé entre elles et le fleuve des barres de sable et des forêts. Delta était située à trois miles en aval de Vicksburg ; un raccourci récent a radicalement changé sa position et elle est maintenant à deux miles en amont de Vicksburg.


Le premier volume est essentiellement consacré à la jeunesse de Twain, à son apprentissage du métier de pilote, bien avant l’endiguement et la construction des écluses. C’est toute l’époque des grands bateaux à vapeur jusqu’au récit de l’explosion du bateau où mourut son frère.

Le second volume se tient des années plus tard quand l’écrivain, déjà célèbre, revient sur le fleuve en tant que passager, à la recherche de ses souvenirs, mais aussi curieux de voir ce que deviennent les villes de la région. Force est de constater qu’entre les crues, la guerre et l’essor du train, tout a changé. Mais les villes du Nord du fleuve sont en plein développement et le voici impressionné par tout cet urbanisme le plus récent.


Non seulement il faut que je connaisse par cœur les noms de la totalité des villes et des îles et des méandres, etc., mais je dois en plus entretenir de chaleureuses relations personnelles avec chaque vieux chicot, chaque peuplier à une seule branche et chaque obscur tas de bois qui orne les rives de ce fleuve sur douze cents miles ; et encore mieux, je dois effectivement savoir où ces choses se trouvent dans le noir.


La surface de l’eau, avec le temps, devint pour moi un livre merveilleux – un livre écrit dans une langue morte pour le passager ignorant, mais qui me confiait ses pensées sans aucune réserve, et me livrait ses secrets les plus chers aussi clairement que s’il les disait à haute voix. Et ce n’était pas un livre qu’on lisait une fois puis que l’on rangeait, car il avait chaque jour une histoire nouvelle à raconter. Toute au long de ses douze cents miles, il n’y avait pas une seule page qui fût dénuée d’intérêt, pas une seule que vous pouviez ne pas lire sans rien y perdre, pas une seule, jamais, que vous aviez envie de sauter en pensant que vous trouveriez plus de plaisir à faire autre chose. Nul homme n’avait jamais écrit un livre plus merveilleux, un livre dont l’intérêt était si prenant, si inépuisable, si brillamment renouvelé à chaque relecture.


Benton, Les Champs en Louisiane, 1928 tempera Brooklyn museum 


Un livre patchwork où Twain insère des extraits de Huck, des articles, des histoires rapportées (j’ai passé quelques pages), où il se tient face à lui-même et face à son pays.

Le fleuve apparaît comme un miroir de Twain, mais aussi un miroir du pays tout entier. Il reflète l’esclavage et la guerre civile, la disparition des autochtones, le développement rapide de la modernité, la capacité à raconter d’invraisemblables histoires en dehors de toute mythologie ou référence européenne, la transformation d’un pays qui devient presque étranger à lui-même.

 

La chose est bien différente dans le Sud. Là, chaque homme que vous rencontrez a fait la guerre, et chaque femme que vous rencontrez a vu la guerre. La guerre est le principal sujet de conversation. Dans le Sud, la guerre est ce que l’après J.-C. est ailleurs : on calcule les dates à partir de là. Tout au long de la journée, vous entendez « situer » les choses suivant qu’elles sont arrivées « depuis la gwai’e » ; ou « just’ap’wès la gwai’e ». Cela montre à quel point chaque personne a été profondément touchée dans son être par cet effroyable épisode.

Rendons grâce au traducteur qui fait passer en français la façon dont Twain retranscrit la prononciation sudiste de l’américain.


Saviez-vous que la présence simultanée d’un prédicateur et d’une jument grise porte malheur ? Et oui, c’est une chose bien établie.

 

On ne voit jamais trop de levers de soleil sur le Mississippi. Ils sont enchanteurs. D’abord, il y a l’éloquence du silence ; car un calme profond pèse sur tout. Puis il y a l’obsédante sensation de solitude, d’isolement, d’éloignement des soucis et du remue-ménage du monde. L’aube arrive à pas de loup ; les murs solides de la sombre forêt s’adoucissent en grisonnant, et de vastes espaces du fleuve s’ouvrent et se dévoilent.


Mon premier billet.

Comme en 2011 j’ai relu l’album de Lucky Luke En remontant le Mississippi. J’ai été à nouveau agacée par certains stéréotypes et j’ai apprécié la façon dont les auteurs utilisent les innombrables anecdotes sur les pilotes et le fleuve.

Et je me suis rappelée l'existence d'un autre livre sur le Mississippi parmi ma bibliothèque...


 

7 commentaires:

keisha a dit…

Une relecture bien sûr (jamais lu ce livre, mais d'autres de Twain si quand même). Le Mississippi et la Loire ont des similitudes?

nathalie a dit…

Il y a beaucoup d'eau dedans et des bancs de sable et des enjeux autour des crues et de l'endiguement ? Mais la Loire est toute toute petite en comparaison.

keisha a dit…

La Loire est classée, on ne peut pas y faire n'importe quoi (y compris s'y baigner, mais c'est un autre sujet)

Dominique a dit…

je l'ai lu il y a .....bon je passe Mark Twain j'aime et ce livre là m'avait enchanté

nathalie a dit…

Le premier volume est particulièrement plaisant !

eimelle a dit…

Je crois qu'il pourrait m'intéresser aussi!

nathalie a dit…

Faut se lancer sur le fleuve. Encore une fois, je pense que le premier volume est particulièrement plaisant.