La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 5 octobre 2023

Il se mit à penser à sa vie, mais de cela il n’a pas envie de parler, prétend-il.

 


Antonio Tabucchi, Pereira prétend, traduit de l’italien par Bernard Comment, parution originale 1994.

 

Lisbonne, 1938. Pereira, journaliste culturel, raconte. S’agit-il d’un rapport de police, d’un témoignage recueilli a posteriori, d’une reconstitution ? Il prétend avoir rencontré un jeune homme, Monteiro Rossi, lui avoir commandé des articles pour son journal, ne pas avoir eu le cœur de lui refuser des textes qui pourtant n’ont aucune chance de passer la censure. Il lui donne de l’argent, lui rend service. Pourtant Pereira prétend ne pas s’intéresser à la politique, s’intéresser uniquement à la littérature, être préoccupé par son état de santé, ne pas vouloir être concerné par tout cela.

Mais dans une dictature, on est forcément concerné par la politique. Surtout dans un pays limitrophe de l’Espagne, surtout en 1938.


Pereira prétend avoir fait sa connaissance par un jour d’été. Une magnifique journée d’été, ensoleillée, venteuse, et Lisbonne qui étincelait.

C’est le début.


Un livre qui commence doucement. On suit ce gros homme qui boit des citronnades et qui semble toujours agir à contre-cœur ou ne pas savoir ce qu’il veut. Le voilà progressivement pris dans une situation de plus en plus intenable, entre son travail, ses habitudes et quand même, sa culture humaniste. Dans le soleil et la douceur de l’air, la violence fait pourtant irruption de la façon la plus brutale qu’il soit.

Il y a l’impossibilité d’être informé, même pour un journaliste. Seul le garçon de café est au courant de ce qui se passe réellement en Espagne ou même au Portugal. Il y a la puissance politique de la littérature.

 

Vieira da Silva, Lisbon by heart, 1943 Galerie Jeanne Bucher Jaeger

Personne, car le pays se taisait, il ne pouvait pas faire autrement que se taire, et pendant ce temps les gens mouraient et la police agissait à sa guise. Pereira commença de transpirer, parce qu’il songea de nouveau à la mort. Et il se dit : cette ville pue la mort, toute l’Europe pue la mort.

 

Écoutez, mademoiselle, répliqua-t-il, je ne suis ni des vôtres ni des leurs, je préfère me débrouiller seul, du reste je ne sais pas qui sont les vôtres et je ne veux pas le savoir, je suis un journaliste et je m’occupe de culture, j’ai à peine fini de traduire un récit de Balzac, je préfère ne pas être au courant de vos histoires, je ne m’occupe pas des faits divers.

 

C'est une relecture. Il y a un premier billet.

Je suis décidée à essayer de lire la montagne (ou du moins la grosse colline) de romans italiens qui se trouvent sur mes étagères.




 

4 commentaires:

keisha a dit…

Pas sûr que j'adhère? Je connais peu le contexte historique, en fait.

nathalie a dit…

Oh bah tu es comme moi, tu ne connais rien à l'histoire portugaise. Ce qui compte, c'est le climat général d'une dictature, qui se resserre de plus en plus.

La chèvre grise a dit…

J'ai lu l'adaptation bd de Pierre Henry Gaumont et j'avais bien aimé. Je me laisserai peut être tentée un jour par la version d'origine.

nathalie a dit…

Ah oui j'ai vu la photo de la BD. à mon tour peut-être de tenter l'adaptation !