La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 10 septembre 2024

Nous avons vu une grande empreinte.

 

Rick Bass, Les Derniers grizzlys, parution originale 1995, traduit de l’américain par Gerard Meudal.

 

Je l’avais annoncé, je l’ai fait, j’ai relu le livre avec les grizzlys par lequel j’avais découvert l’auteur. 

Quelle merveille !


J’aime la solitude de ma forêt du Yaak, j’aime le refuge qu’elle m’offre, mais Doug, bien que je ne le connaisse que depuis peu est déjà un ami très cher – un guide et un maître – et je fais donc route vers le sud. Je ne suis pas absolument convaincu qu’il existe encore des grizzlys dans le Colorado. Mais quand bien même nous ne trouverions rien, l’occasion aura été bonne de courir les bois avec Doug.

C’est le presque début.


Donc : les grizzlys ont-ils vraiment disparu du Colorado ou quelques-uns ont-ils réussi à survivre, en se cachant et en adaptant leur comportement à un environnement hyper humanisé, bref en changeant ? C’est tout l’objet du livre. Les héros n’en sont pas des naturalistes d’État. À vrai dire, cela commence plutôt comme une histoire de gars un peu pieds nickelés, qui font du camping, avec une voiture en panne et du whisky, mais pourtant, au fil des marches interminables et des nuits sous la tente, ça traque les indices. Oui, car si le rêve ultime est évidemment de voir un grizzly (mais pas de trop près), le plus facile reste de repérer des empreintes, des traces de griffes sur les arbres, les déjections, les touffes de poil…


Qu’il est bon de manger ainsi, sans s’embarrasser de couteaux et de fourchettes. Je pourrais vivre longtemps de cette façon. Je passe trop de temps devant ma machine à écrire.


Je suis ravie de ma relecture. Je n’avais pas réalisé à l’époque que le propos de Bass est aussi de décrire un autre rapport à la nature (qui n’est sans doute pas très loin de mon propre idéal, ce qui explique que je ne l’avais pas trop vu), comme une coexistence pacifique, respectueuse et coordonnée.

C’est un livre que j’ai prêté à une amie il y a fort longtemps. Elle avait alors été frappée par cette scène, un tantinet surréaliste, où nos trois grands gaillards sont accroupis autour d’une merde (sèche) d’ours, en train de l’étudier et de la palper, pour savoir si c’est celle d’un ours noir ou d’un grizzly. Ils la considèrent, fascinés, comme une pépite d’or ou le Saint Graal, l’emportent précieusement pour la faire analyser (je vous conseille de raconter cette anecdote en caressant la tête du labrador : « Tu te rends compte ? Du caca d’ours ! »). De fait, c’est grâce aux analyses des excréments que Bass et ses compères parviennent définitivement à prouver la présence du grizzly dans le Colorado. La scène est symptomatique de ce rapport différent à la science naturaliste : non invasive, moyens modestes, patience, yeux au ras du sol, pas de bruit.


Nous progressons doucement au pied des falaises en suivant sur la pointe des pieds la pente régulière des sentes de gibier. Juste au-dessus d’une bauge de cerf, Dennis découvre le premier excrément. Il est de petite taille pour un excrément d’ours, mais c’en est bien un, sans aucun doute possible, noir, vieux et desséché. Nous nous asseyons en tailleur dans le sous-bois moucheté de soleil et nous le décortiquons pour voir ce que l’ours a mangé. Il y a là des feuilles, de l’herbe, des pignons de pin, des fourmis.

(il y a en a plus de 2 pages)


Dans cet univers de mecs, l’irruption des étudiants et étudiantes à la fin est tout à fait rafraîchissante et ouvre l’espoir.

C’est ici qu’apparaît le légendaire Doug Peacock.


Mon premier billet ne met pas du tout en avant les mêmes choses (et pourtant relecture au même endroit, à la même saison de l’année).

Tom Gauld bien sûr.
 

Quand nous expliquons à nos nouvelles connaissances que nous allons dans la montagne pour observer les ours une énergie étrange semble remplir le bar. L’air est différent, comme si la pluie s’était arrêtée et que tout le monde avait l’air fier autour de nous que nous soyons venus de si loin pour voir leurs ours. C’est sûr. Qu’il y a des ours dans ces montagnes, disent-ils, mais tout à coup l’atmosphère optimiste s’évanouit quand ils nous disent qu’on ne trouvera pas de grizzlys. Plus personne ne voit de grizzlys par ici.

 

Combien devrais-je manger de chanterelles de Doug pour faire les mêmes rêves qu’un grizzly endormi dans les mêmes montagnes ? Que se passerait-il si un homme et un grizzly mangeaient des champignons provenant du même endroit ? Est-ce que les mêmes rêves nous viendraient de la terre et nous imprégneraient de la même façon ?

 

Rick Bass sur le blog :

Les derniers grizzlys : J'ai commencé par ce livre, sur les traces des derniers grizzlys sauvages, c'est passionnant.
Toute la terre qui nous possède : un géomètre au Texas
Le Journal des cinq saisons 
: une année dans la vallée du Yaak au Montana
La Rivière en hiver : un très bon recueil de nouvelles
Sur la route et en cuisine avec mes héros : le partage en littérature, un livre de la route américaine

Le billet de Keisha.



8 commentaires:

keisha a dit…

Bin évidemment je l'ai lu (https://enlisantenvoyageant.blogspot.com/2010/10/sur-la-piste-des-derniers-grizzlis.html)
et Mes années Grizzly et tous ces clubs de la clé à molette, etc.
Tom Gauld, évidemment.

nathalie a dit…

Oh bah c'est quasi un classique.

je lis je blogue a dit…

J'ai bien aimé l'anecdote du précieux caca d'ours et le petit strip humoristique.

nathalie a dit…

Mais oui la science peut être cocasse.

eimelle a dit…

et moi je ne le connais pas encore ! A découvrir!

Dominique a dit…

j'aime cet auteur que j'ai lu dès son premier livre : Hiver
mon préféré reste le journal des cinq saisons

nathalie a dit…

Dans tous ses titres, il y en a bien un qui te plaira.

nathalie a dit…

Tiens je ne crois pas avoir lu Hiver, il faudrait que... Cela ne m'étonne pas que tu l'aimes.