Albert Londres, Marseille porte du sud, 1927.
Un classique de la bibliographie marseillaise.
En 1926 le journaliste français* qui s’est embarqué à plusieurs reprises de Marseille pour rejoindre le bout du monde décide de rester et d’explorer un peu le territoire du port. Canebière, port de commerce et ses travailleurs, navires et ses passagers, quartier réservé, pègre… Le récit est haut en couleur.
Il y a évidemment de belles pages sur la ville, sur ceux venus de partout qui la peuple, mais j’avoue avoir eu un peu de mal. La langue a vieilli, ce ton très péremptoire n’est plus le nôtre (il me fait penser à celui des actualités cinématographiques). Et puis, on est en plein empire colonial et les clichés sexistes et racistes abondent, dans un traitement très pittoresque. Ceci dit, certains passages sont hauts en couleur et ont nourri l’imaginaire des romanciers de la ville.
*Car à l’occasion de cette lecture mon cerveau a fini par comprendre qu’Albert Londres n’était pas anglais.
C’est un port, l’un des plus beaux du bord des eaux. Il est illustre sur tous les parallèles. À tout instant du jour et de la nuit, des bateaux labourent pour lui au plus loin des mers. Il est l’un des grands seigneurs du large. Phare français, il balaye de sa lumière les cinq parties de la terre. Il s’appelle le port de Marseille.
C’est le début.
À noter que la ville que parcours Londres a peu à voir avec celle d’aujourd’hui : on est bien avant l’aménagement du port de Fos et les bateaux s’ancrent alors le long de la jetée de la Joliette. Si la vieille ville a été sacrément rétrécie à cause des travaux du Second Empire, le Panier n’a pas encore été détruit par la Seconde guerre, le pont transbordeur se dresse encore au bout du port, l’Opéra est tout neuf et non plus en train de s’écrouler comme maintenant.
Verdilhan, Le Pont transbordeur, 1918-1920 Marseille BA
La circulation à Marseille est régie par une loi unique : « Toute voiture doit, par tous les moyens, dépasser la voiture qui la précède. » On se croirait au temps des cochers verts et des cochers bleus de Constantinople. C’est une course de chars. Qui arrivera premier et déclenchera l’enthousiasme populaire ? Le camion bouscule la voiture d’un coup d’épaule. Le taxi souffle sur la bicyclette.
À noter que tout n’a pas changé depuis cette époque.
Les dockers arrivent. Ils ne vont pas au travail, ils viennent chercher de l’embauche. Alors la place prend son véritable visage. Elle devient une foire aux hommes.
Une évocation matinale de la place de la Joliette.
Allez à Marseille. Marseille vous répondra.
Cette ville est une leçon. L’indifférence coupable des contemporains ne la désarme pas. Attentive, elle écoute la voix du vaste monde et, forte de son expérience, elle engage, en notre nom, la conversation avec la terre entière. Une oriflamme claquant au vent sur l’infini de l’horizon, voilà Marseille.
On comprend que ce soit devenu un classique de la marseillologie.
Le billet de Miriam qui trouve que Londres a un ton de « conteur » et qu’il est « jubilatoire ».
Faut il connaître un peu Marseille pour apprécier pleinement?
RépondreSupprimer(et je vois ta femme du dimanche, oh j'ai lu ça il y a ... longtemps)
La lecture de La Femme du dimanche intervient un an après le voyage à Turin. C'est amusant.
SupprimerPour le livre de Londres, je ne pense pas que ce soit utile de connaître Marseille parce qu'il n'en dit pas grand-chose. Je pense qu'être marseillais ou aimer la ville rend plus indulgent à la lecture.
L'ouvrage semble intéressant pour la description de Marseille dans les années 20 mais je pense qu'il faut bien connaître la ville pour apprécier vraiment. Il faut aussi, comme tu le dis, faire abstraction de certains éléments.
RépondreSupprimerNon, comme je dis à Keisha, il ne dit pas grand-chose de la ville. Il a seulement vu le centre avec le quartier du port (faut dire que la ville s'est monstrueusement étendue depuis cette période).
SupprimerC'est un grand classique en effet. Et Marseille a bien changé depuis. Je l'ai lu il y a très longtemps (du temps où j'habitais encore justement la ville). Et je garde un beau souvenir de ce texte. Je ne sais pas si c'est ce mélange de deux nostalgies qui me rend le souvenir de ce texte plutôt heureux et que je ne me souviens pas des limites dont tu parles.
RépondreSupprimerLe texte est important pour l'imaginaire et le mythe marseillais, donc c'est possible que cela joue sur sa réception.
SupprimerMerci pour le lien! J'aime vraiment beaucop Albert Londres; Quel aventurier ! quel journaliste!
RépondreSupprimerJe n'ai rien lu d'autre de lui, j'avoue.
Supprimerle juif errant est arrivé est un document poignant, j'ai aussi lu les comitadjis qui se passe en Macédoine et en Bulgarie
SupprimerPour ma part, je lirais plus volontiers les deux titres de Miriam, ou une biographie de l'homme, mais comme aucun d'entre eux n'est à portée de main par chez moi, je vais me contenter de ce que je viens de lire chez toi (j'ai par contre La Chine en folie, qui mériterait une relecture).
RépondreSupprimerJ'avoue d'être moyennement tentée de continuer avec Londres, même si je note vaguement que certains titres semblent plus intéressants. Nous verrons bien si je le croise à nouveau !
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