La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 15 juillet 2025

À minuit, le premier convoi de chasseurs alpins partit de la gare d'Aoste pour la Russie.

 

Mario Rigoni Stern, Requiem pour un alpiniste, traduit de l'italien par Marie-Hélène Angelini, recueil édité en France par Les Belles Lettres.

Paru originellement en 2006 et complété en 2018.

Ce court volume rassemble des textes relatifs à la guerre, textes historiques, biographiques ou autobiographiques.
Tout commence par les récits rétrospectifs des combats de la Première guerre mondiale au cœur des Alpes et des Dolomites, quand la frontière a brutalement séparé ceux qui parlaient la même langue, mais dans deux pays différents. Des milliers d'hommes sont morts là, pour quelques mètres de caillou plus hauts que les autres. Il y a aussi le récit des vestiges que l'on trouve dans la montagne, des dizaines d'années après la fin des combats (os, pipes, fils barbelés, etc.). Ces textes complètent très bien le roman L'Année de la victoire.

Ces Dolomites sauvages n'avaient pas de fortifications, de lignes de tranchées, de barrages ; de part et d'autre, on s'efforça d'escalader les sommets les plus hauts – fussent-ils apparemment inaccessibles – afin d'avoir des points d'observation pour contrôler les mouvements de l'adversaire : c'était une guerre d'alpinistes en uniforme au service de l'empereur d'Autriche d'un côté, du roi d'Italie de l'autre.

Viennent ensuite les récits de la Seconde guerre mondiale, où les chasseurs alpins sont envoyés se battre en Russie, au côté de l'Allemagne, avec ces combats et surtout cette interminable retraite à pied, en plein hiver, dans la neige et le froid glacial. D'autres chasseurs alpins ont été envoyés combattre en Albanie et en Grèce. Plusieurs milliers d'hommes sont morts là-bas également, dans une guerre peu connue en Italie. C'est ici Le Sergent dans la neige qui peut servir de guide au lecteur.

Ciao, père Carlo ! Il me semble te revoir sur un monticule de la steppe, seul, isolé, fatigué, couvert de neige durcie, une couverture sur les épaules : tu faisais péniblement un signe de croix sur un longue file de chasseurs alpins en marche et puis, toi aussi, tu reprenais le chemin.

En dépit de quelques légers agacements (tous les soldats semblent de braves types (?) (à l'exception des Allemands – encore que), convaincus malgré eux et embrigadés par la propagande fasciste (??), ne se rendant pas compte qu'ils se battent pour une patrie dévoyée – ce petit côté « eux et nous » qui me fait râler) (et on aimerait un peu plus de recul sur la conduite soviétique de la guerre et sur le siège de Leningrad), j'ai vraiment apprécié cette lecture, où se mêlent étroitement histoire humaine, individuelle et collective, avec ses tragédies et ses douceurs, et attention au paysage et à la nature.

Obus gravé, 1918 Mucem

J'apprécie le soin avec lequel Rigoni liste les noms des hommes qui sont morts, disparus ou revenus, les noms des villages, les noms des montagnes, quelquefois en italien et en allemand. Il est important de ne pas oublier et d'écrire, quelque part, ce qu'il est advenu de tout ce monde.

Arriver là-haut un matin d'été après que, la nuit, un orage a lavé le ciel et la terre, s'arrêter en silence pour regarder, et demeurer sous le charme parce que la beauté est telle que le regard ne sait où se poser, et on en a le souffle coupé.

Au pied d'une grosse pierre, entre les racines sèches d'un mélèze, je ramasse des poignées de balles. En face à quelques centaines de mètres, je vois une meurtrière au milieu du rocher : combien de chasseurs alpins ont dû tomber ici, cibles de la mitrailleuse postée là ? Je traverse le pâturage où se trouvait le cimetière – mais où n'y avait-il pas de morts ?

Une participation aux escapades européennes de Cléanthe qui nous propose, pour ce mois de juillet, de partir dans les Alpes.

L'occasion de signaler qu'Alexandra (Je lis, je blogue) et moi-même vous proposons de lire Mario Rigoni Stern (encore lui) le 20 octobre. Pour notre part, nous lirons Les Saisons de Giacomo, troisième volume de la trilogie qui complète L'Histoire de Tönle et L'Année de la victoire, mais évidemment vous êtes libres de choisir le titre qui vous plaira.



 Rigoni Stern, Mario  sur le blog :

Hommes, bois, abeilles : la vie dans la montagne - et il y a un second billet
Le Sergent dans la neige : la très longue retraite de l'armée italienne en Russie pendant la Seconde guerre mondiale, un chef d'oeuvre
Retour sur le Don : des récits de l'armée italienne dans les confins russo-ukrainiens 
Histoire de Tönle : un berger et son village à la frontière de l'Italie et de l'Empire, au temps de la Première guerre - une évocation très réussie
L'Année de la victoire : l'année 1919 dans ce même village, la reconstruction, mais manquant un peu d'épaisseur

6 commentaires:

  1. Tiens, c'est vrai, je n'ai pas pensé à me tourner vers Mario Rigoni Stern pour ce challenge dans les montagnes d'Europe ! Comme tu le sais déjà, j'aime beaucoup cet écrivain. Hâte de partager cette nouvelle lecture commune du 20 octobre.

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    1. Oui et j'ai presque éclusé mon stock de livres de lui.

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  2. Je me joindrai peut-être à vous en octobre, la 1e LC autour de cet auteur a été une chouette expérience.

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    1. Je te conseille le Sergent dans la neige si tu le trouves.

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  3. Merci pour ta participation! J'ai trop peu lu Mario Rigoni Stern, même si j'apprécie énormément son écriture (c'est encore mieux en italien!). Du coup je pense participer à cette lecture commune. Ce sera une belle occasion de me replonger dans son œuvre.

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