Nathacha Appanah, La mémoire délavée, au Mercure de France en 2023 (et aujourd'hui chez Folio).
Appanah explore et s'interroge : qui étaient ces arrières-arrières (?) grands-parents venus d'Inde, débarqués sur l'Île Maurice avec leur fils en 1872, pour travailler dans une plantation de canne à sucre ? Non pas esclaves, mais guère mieux. On connaît ce système qui fait venir des gens d'une colonie à une autre, corvéables à merci. Mais ils s'installent et font souche et leurs descendants mêlent le telugu au créole, à l'anglais au français. Au cœur du livre, il y a les grands-parents paternels d'Appanah, leur vie et leur maison, leurs habitudes, leur façon de manger et de parler.
Quand revient le temps des étourneaux qui se déploient dans le ciel pour dessiner des figures liquides et mouvantes, je vois gonfler et se former une dame-jeanne.
Gudgeon, Leaf Spirit, 2018 Kew garden |
Mon trisaïeul porte le numéro 358444, il avait 45 ans. Ma trisaïeule avait 39 ans, les autorités britanniques lui attribuent le 358445 et leur fils, âgé seulement de 11 ans, est le numéro 358448. Ces numéros me bouleversent, je sais qu'ils devaient les retenir ou les avoir sur eux comme laissez-passer quand ils se déplaçaient hors de la plantation de champs de canne. Ce sont ces chiffres qui les identifient d'abord et avant tout, par leur nom qui est trop compliqué, pas leur visage qui ressemble à tant d'autres, pas leur langue que personne ne comprend vraiment.
Mon esprit les a lavés, ces ancêtres, essuyé leurs visages, coiffé leurs cheveux, habillés de vêtements propres, éloignés des cales de bateaux et de la perspective du labeur quotidien des champs de canne. C'est une image presque proprette. C'est une mémoire délavée.
Souvent j'ai essayé de comprendre ce détachement : pendant le temps éclair de la jeunesse, il y a, n'est-ce pas, tant d'autres choses à entreprendre que regarder en arrière, tant de langues à apprendre que retrouver celle de ses ancêtres, tant de nouveaux visages à aimer que de débusquer ceux à qui vous ressemblez sur les planches d'archives.
Un petit livre (à peine 150 pages), illustré par les photos de la famille.
Il me tente, ce petit livre, déjà feuilleté à plusieurs reprises en librairie (les photos, ça attirent d'autant plus...). Et je vois que tu lis Typhon, ça décoiffe hein ?!
RépondreSupprimerLe bateau vient tout juste de quitter le port, mais oui j'anticipe un book trip en mer un peu agité !
SupprimerUne interrogation sur la mémoire qui me plairait bien, à priori, même si l'autrice m'agace, je ne sais pas pourquoi ...
RépondreSupprimerSes autres textes ne m'intéressent pas, j'avoue. Mais celui-ci est à la autobiofamilial et poétique.
SupprimerEnvie de connaître cette autrice qui a toujours échappé à mes lectures
RépondreSupprimerC'est le seul titre que j'ai lu, les autres ne me tentent pas trop. Tu nous diras.
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