Mircea Cărtărescu, Melancolia, publication originale 2019, traduit du roumain par Laure Hinckel, édité en France par Noir sur Blanc et Libretto.
Quand dehors tombait le crépuscule, dans la salle à manger l'air devenait marron, délicat, et le silence pesait sur l'enfant de toutes ses forces.
Les trois histoires présentent plusieurs points communs. Elles mettent en scène des enfants, qui sont seuls. Les adultes sont absents ou peu présents, vagues silhouettes fonctionnelles, incapables de rien comprendre à la réalité de la vie. Les récits se tiennent dans une ville, jamais nommée, mais qui ressemble à celle de Solénoïde, avec ses grands immeubles, son tramway bringuebalant, ses grands édifices, ses statues qui scandent l'espace public et surtout ses hôpitaux.
Car, comme dans Solénoïde (et comme dans plusieurs textes de Tokarczuk), le monde médical tient une place importante et inquiétante. Aux côtés du corps humaines, les modèles d'anatomie, les statues de femmes enceintes, les lits d'hôpitaux hantent l'univers mental du roman. C'est également le cas des insectes sous toutes les formes, immenses et minuscules, réels ou en chocolat, symboliques également.
La maison était entourée, assiégée par la lune. Les fenêtres se projetaient, blanches, sur tous les sols, accentuant jusqu'à l'insupportable la solitude de l'appartement.
Les histoires sont inquiétantes et mettent mal à l'aise. Que va-t-il advenir à ces enfants ? Les trois récits racontent un apprentissage et une certaine façon de quitter le monde de l'enfance ou de l’adolescence et l'entrée dans l'âge adulte. Il est écrit que les personnages vieilliront, ils se marieront et auront des enfants, mais le lecteur sait qu'ils ont tous perdu l'accès au monde de l'enfance, avec ses contes et sa logique, un monde bien plus étrange et bien moins étroit que celui des adultes.
Il y a la place particulière de la pleine lune – Melancolia.
Il est beaucoup question d'insectes, d'enfermement, de solitude, d'impossibilité de communiquer – difficile de ne pas penser à Kafka.
| Ernst, Le fantôme de la repopulation, 1929 photo/collage, Coll. privée |
De jour comme de nuit, les deux étaient toujours ensemble et, en fait, seuls, car les gens bizarres qui les nourrissaient, les lavaient, les grondaient et les cajolaient et leur disaient bonne nuit, étaient transparents, sans existence vraie, comme sur ces photographies où les bâtiments et tout ce qui est immobile est bien défini, tandis que les gens et les tramways semblent brumeux, barbouillés par un pinceau rapide. C'étaient deux souffles de vent nommés maman et papa, et peut-être les chats et les oiseaux du ciel voient-ils les gens ainsi.
S'il aimait quelque chose au monde, c'était la lune, mais pas n'importe quelle lune, celle dont le croissant se posait presque à l'horizontale, cornes vers le haut, sur fond de ciel vert comme du venin, au-dessus des bâtiments très hauts, terminés par des mâts, des flèches, des frontons et des coupoles, de la ville où il habitait.
Mircea Cǎrtǎrescu sur le blog :
Je crois que c'est un peu trop particulier pour moi
RépondreSupprimerHem, c'est possible oui.
SupprimerJ'avais commencé Theodoros (tu me sens venir, là), oui c'est très brillant mais faudra le reprendre au bon moment car franchement c'était une grosse expérience rien qu'en 50 pages.
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