La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



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lundi 30 janvier 2017

C’est un monde qui respire sans apparaître.

Jeanne Benameur, Les Demeurées, 2000.

Un texte très court, mais très fort.

C’est l’histoire d’une femme, La Varienne, et de sa fille, Luce. Elle est l’idiote du village, celle que l’on a appelée « abrutie ». Elles vivent dans une maison où on ne parle pas, où les objets sont rares, où le monde extérieur ne parvient que comme une menace. Le roman raconte ce moment où Luce doit aller à l’école, parce que le savoir est obligatoire, et ce qu’il se passe quand les mots entrent dans sa vie.
Le roman est très court, composé de phrases elles aussi très courtes et simples, à l’image des sentiments évidents et puissants qui étreignent la mère et la fille. Si elles sont simples d’esprit et en apparence peu adaptées à leur monde (on est à la campagne au XXe siècle), elles en perçoivent les réalités profondes, les affrontements inévitables et notamment la façon dont l’école tente de mettre la main sur la petite fille.
Séraphine de Senlis, Dahlias, vers 1915, HB, Colmar Unterlinden, M&M.

Au sein de cet univers dépouillé, le roman peint les sentiments intimes et sincères de deux personnes qui n’ont qu’elles au monde. Les objets sont rares et en deviennent hautement symboliques. Il n’y a aucun dialogue et on ne saura pas quels mots sont prononcés.
Un petit livre où il faut se plonger comme en apnée.
Si Otages intimes m’a paru sans intérêt, cette lecture achève de me convaincre que les premiers romans de Benameur sont bien pour moi !

La petite est comblée. De tout temps comblée et si elle l’ignorait, en la faisant venir ici, dans cette école, elle le lui a appris. C’est la seule chose qu’elle lui ait enseignée sans le savoir : une douleur et un bonheur intense. Savoir qu’on manque à quelqu’un, que quelqu’un nous manque.