La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 16 février 2011

La victime est là, au milieu de ces folios jaunis, pantelante, et cependant le métier d’historien ne saurait se limiter à l’exercice de la seule sensibilité.


Nathan Wachtel, La Foi du souvenir, labyrinthe marranes, Paris, Seuil, 2001.

Un livre d’histoire, à la fois bouleversant, instructif et qui ouvre l’imagination. Nathan Wachtel a travaillé sur l’Inquisition et les marranes, ces juifs qui essaient de préserver leur culture après 1492, une date qui n’ouvre pas la modernité. Son enquête ne couvre pas la péninsule ibérique mais le Nouveau Monde car la folie des tribunaux n’a pas été arrêtée par l’Atlantique. Dans les archives, il retrouve les traces d’individus et de familles, qui fuient l’Espagne, tentent de s’installer au Mexique ou au Pérou, circulent de ville en ville, s’allient, élaborent des stratégies pour survivre, avouant, se convertissant, résistant. Au final, on en vient à s’interroger sur ce qui fait la foi juive ou toute religion : en effet, à force de se cacher, les marranes ne connaissent plus l’hébreu, ni les dogmes juifs. Wachtel donne des extraits des interrogatoires où les condamnés tentent de se dire bons chrétiens et livrent une foi embrouillée où saint Moïse côtoie saint Antoine pour protéger les accouchées. Il leur reste des gestes : ne pas manger de porc, une bougie sur le bord de la fenêtre le vendredi soir, la communion avec du pain azyme, des choses qu’on fait et d’autres qu’on ne fait pas. Des rituels dépourvus de toute signification mais qui témoignent d’une identité différente, d’un passé lointainement hérité et presque oublié. Il en existe dans toutes les familles.

Mon héritage

Il ne me reste que souvenances,
Mémoire que j’approche,
Trésors qui forment mon héritage,
Conservés en tendresse.

Cuisante plongée parmi les morts,
Linceuls de lin blanc,
Pierres abandonnées sur les tombes,
Au bord de mon chemin.

Les psaumes protègent nos vies
Et la prière de la prochaine lune
Guérit mes blessures.

À la tombée du vendredi,
La clarté des bougies du Samedi
Illumine ma joie première.

Poème d’Odmar Pinheiro Braga, traduit du portugais par Jean-Frédéric Schaub.

2 commentaires:

catherine a dit…

LE JOURNAL D'UNE LECTRICE EST UN BLOG QUI ME PLAIT !

nathalie a dit…

merci Cath pour ces encouragements, on fait ce qu'on peut.