La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



dimanche 10 avril 2011

Tous les bons récits sont des récits réels, du moins pour celui qui les lit, c'est la seule chose qui compte.

Suite à propos de Cercas, des Soldats de Salamine et d'Anatomie d'un instant....

Je suis certaine que Cercas est un grand amateur de Proust. Je l’avais déjà pensé à la lecture d’Anatomie d’un instant parce qu’il accumule les hypothèses pour expliquer le comportement de chaque protagoniste et déterminer les conséquences d’un coup de fil ou d’un ordre qui n’a pas été donné au bon moment. Cet échafaudage finit par perdre toute signification et laisse la porte ouverte à l'indicible. Cela m’a à nouveau frappée à la relecture des Soldats de Salamine si l’on se fie à l’importance accordée aux souvenirs et aux coïncidences qui n’en sont pas vraiment. Une fois mort, on ne subsiste que dans la mémoire de ceux qui mentionnent votre nom, jour après jour. On se rend aussi progressivement compte que Cercas effectue ces enquêtes aussi pour maintenir en vie le fantôme de son père mort.

Je le vis lever sa canne en guise d’adieu, puis, à travers la vitre arrière du taxi, retourner d’un pas lent vers la résidence, dépouillé, à moitié borgne, heureux, avec sa chemise grise et son pantalon râpé et ses pantoufles de feutre, de plus en plus petit sur le fond vert pâle de la façade, sa tête orgueilleuse, son profil sévère, son corps se balançant, volumineux et disproportionné, appuyant ses pas instables sur sa canne, et au moment où il ouvrit la porte du jardin je sentis une espèce de nostalgie anticipée, comme si, au lieu de voir Miralles, j’étais déjà en train de me le rappeler et peut-être est-ce parce que je pensai alors que je ne le reverrais plus, que je me le rappellerais ainsi pour toujours.



Le titre, Les Soldats de Salamine ? Allusion aux Perses d’Eschylle qui rend hommage aux Grecs qui combattirent pour la démocratie contre l’empire perse. Hommage à tous les soldats anonymes du monde, ceux qui meurent sans que personne ne se souvienne d'eux.

Les deux citations qui ornent les deux billets consacrés aux Soldats de Salamine sont attribuées à Bolaño qui apparaît dans le livre et y joue un rôle capital.

Wilhelm van Kaulbach, La Bataille de Salamine, huile sur toile, vers 1858, Allemagne, Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Neue Pinakothek, cliché RMN.



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