La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 18 août 2011

Il boira l’air frais en route et reniflera les odeurs salubres.

Jules Renard, Histoires naturelles, 1e édition 1896, Paris, Flammarion, 1967.

Il glisse sur le bassin, comme un traîneau blanc, de nuage en nuage. Car il n’a faim que des nuages floconneux qu’il voit naître, bouger, et se perdre dans l’eau. C’est l’un d’eux qu’il désire. Il le vise du bec, et il plonge tout à coup son col vêtu de neige.
Puis, tel un bras de femme sort d’une manche, il retire.
Il n’a rien.
Il regarde : les nuages effarouchés ont disparu.
Il ne reste qu’un instant désabusé, car les nuages tardent peu à revenir, et, là-bas, où meurent les ondulations de l’eau, en voici qui se reforme.
Doucement, sur son léger coussin de plumes, le cygne rame et s’approche…
Il s’épuise à pêcher de vains reflets, et peut-être qu’il mourra, victime de cette illusion, avant d’attraper un seul morceau de nuage.
Mais qu’est-ce que je dis ?
Chaque fois qu’il plonge, il fouille du bec la vase nourrissante et ramène un ver.
Il engraisse comme une oie.

Second et dernier extrait des Histoires naturelles de Renard, recueils de petits récits sur les animaux de la ferme, des champs et des bois. Le premier parlait de la vache. Et je connais des blogueuses inscrites à un challenge animalier...


Denise Colomb, Deux cygnes sur la Seine, 1981, Paris, Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, image RMN.

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