Arno Schmidt, Vaches en
demi-deuil. 10 récits champêtres. Traduit
de l’allemand par Claude Riehl, 1e éd. 1964, Auch, Tristram, 2000.
Un nouvel ouvrage d’Arno Schmidt
qui m’embarrasse un peu pour vous en parler : celui-ci, je ne l’ai lu
qu’une fois et il est particulièrement difficile. Alors que ma découverte de Cœur de pierre avait été lumineuse et étonnée,
l’approche de ce recueil a été plus lente. C’est un livre qui doit se relire,
avec patience.
Ces récits mettent en scène un
narrateur, ombre de Schmidt, en vagabondage dans la campagne et la langue
allemandes. Jeune intellectuel urbain en excursion, réfugié dans un logement
bon marché dans la forêt, faisant la nique aux paysans du coin, vieux garçon ou
accompagné de son épouse, mais souvent au clair de lune. Les narrateurs
ressemblent à celui d’On a marché sur la lande : on vadrouille, on discourt sur tout et n’importe
quoi, on essaye d’éblouir sa compagne.
Je fis une oreille théâtrale : ? – « Entends-tu ? L’eau menue ? ». Lui mis aussi mes mains seccourables (encore ces 2 "c " !) derrière ses conques auriculaires poilues. (Sa bouche devant s’ouvrit ; par le moyen de ce dispositif il l’entendait apparemment.) Hocha léger ; superficiellement "captivé", (ou alors désorienté seulement, comme le sont les citadins qui après le 100e arbre n’en distinguent plus aucun ? Car tout est possible avec ces asphaltards.)
La promenade est aussi dans la
langue allemande (enfin, je suppose), tout est prétexte à dérapage, chemin de
traverse. Ellipse, allusion, jeu de mots, saut dans la langue, qui trahissent
les obsessions sexuelles des personnages (ah « le vibreur rotulé à courant
continu »). Les hommes se jaugent, cachent leur réserve d’alcool, les
femmes les manipulent et se moquent.
Une vache en demi-deuil. Noire et blanche quoi ! image Wikipedia. |
Schmidt se moque des intellectuels désargentés, verbeux, lorgnant vers la chair, plus ou moins piteux. Mais aussi des paysans, ignorants, pour lesquels il ressent une affection simple (multiples considérations sur les besoins naturels en forêt) : "Cette espèce d’imbécillité qui s’appelle « ruse de paysan »." Il est plus virulent envers les hommes politiques allemands et la Guerre froide propice au réarmement du pays.
Il y a également des considérations intéressantes et délirantes sur la traduction – où l’on apprend que Schmidt a traduit Wilkie Collins en allemand !
Alors que
"L’Aubergiste" apparaissait dans l’encadrement de sa porte (comme seul
on peut apparaître dans une porte qui vous appartient) : la remplissant
d’une manière offensante ; sur la tête massive la casquette ; à la
main un trousseau de clés (surdimensionnées) ; propriétaire foncier
considérabilissime.
Ce qui n'empêche des évocations poétiques de la nature :
Le ciel semblait tendre peu à po
sa capote ; (à peine si le chêneau puceau coquetta encore un peu avec sa
chemise de nuit ; il fallait déjà tendre l’oreille longuement ; et
avant, froufroufrissonner en sympathie avec lui.)
À lire absolument : Coeur de pierre, On a marché sur la lande, Alexandre ou qu'est-ce que la vérité ?
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