La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 16 novembre 2012

Son âme n’était ni libre ni sauvage, elle était comme l’herbe indestructible qui pousse parfois même sur des pierres nues.


Oleg Pavlov, Récits des derniers jours, traduit du russe par Anne-Marie Tatsis-Botton, 1es éditions 1994, 1997, 2002, Paris, Les éditions noir sur blanc, 2012.

Ce gros volume rassemble 3 histoires se déroulant toutes dans la misère de l’armée russe, celle qui reste cantonnée dans des camps délabrés d’Asie Centrale, dans la steppe, loin de tout, dans un monde vide et absurde. On est à la fin des années 80, ou peut-être début des années 90, mais cela pourrait aussi bien être 40 ans avant, le temps est arrêté.

Faut jamais être premier ou dernier, on peut foutre sa vie en l’air. Faut toujours rester dans la moyenne : dans la moyenne, c’est là qu’on est peinard. C’est les imbéciles qui font ce qu’ils veulent, nous on fera ce qu’on nous dira.

J’ai lu ce volume lentement car c’est très dense, les histoires ne sont pas faciles (surtout la 2e). On évolue dans un monde désespéré, absurde et arbitraire. Les militaires ne sont guère mieux traités que les prisonniers qu’ils gardent soumis à la météo et à la hiérarchie, sans voie de sortie. La première histoire tourne autour d’une histoire grotesque de patates et la troisième autour d’un cadavre à convoyer, elles sont pleines d’humour noir et très réussies. 

Le capitaine, lui, passa le restant de la nuit à dorloter ses pommes de terre. On avait entassé les sacs dans une cabane en planches où l’on mettait les chiens, l’hiver, mais dont on se servait aussi comme débarras. Tout ce qui était hors service (puisoir cassé, bottes éculées…) s’y accumulait en tas toujours plus gros. Il fallait tout garder, sinon on aurait pu soupçonner une arnaque aux dépenses de remplacement. La cabane était équipée d’une ampoule électrique et d’un énorme cadenas qui coûtait plus cher que toutes les vieilleries qu’il protégeait.

Karaganda, ville du Kazakhstan, un des lieux
du roman. Image Wikipedia.

C’est désespérant et plein d’humour noir, long comme un jour sans fin dans la steppe, long comme un service militaire dans l’armée russe… Curieusement, certaines évocations ne sont pas dépourvues de grandeur et d’ampleur lyrique - comme le titre de ce billet !

Il y avait comme un creux plus clair dans le ciel : c’était la lune qui couvrait une gueule affamée en direction de petites étoiles frétillantes comme des appâts enfilés sur des hameçons. Mais soudain toute la nuit fut comme l’intérieur d’un ventre plein de choses avalées.

On y apprend surtout une chose fondamentale : l’équivalent russe de Pétaouchnok est Tmoutarakan. Et ça... vous me remercierez de vous l’avoir livré.

Merci à Babelio et aux éditions Noir sur Blanc.


2 commentaires:

Marie a dit…

Je ne connaissais pas. Tu me donnes bien envie d'essayer.

nathalie a dit…

C'est totalement inconnu pour nous, une plongée dans un drôle d'univers.