La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 21 février 2013

Vous avez remarqué cette femme ; et moi… je ne voyais que vous !


Constance de Salm, Vingt-Quatre heures d’une femme sensible, 1824, republié par Phébus, 2007.

Une auteur croisée au hasard des chroniques du XIXe siècle – la dame tenait un salon littéraire réputé.
La narratrice a entrevu son amant s’engouffrer dans une voiture en compagnie d’une femme et depuis, elle demeure sans nouvelle. Rendue folle par la jalousie, elle lui adresse un court billet demandant explication, puis une longue lettre, puis une autre, une autre… Le roman se compose uniquement de lettres, essentiellement de lettres de la femme à l’homme – nul ne sait s’il les a finalement lues. Cela raconte tout le parcours de la jalousie.
Il ne s’agit pas ici de la jalousie retorse du narrateur de La Recherche (qui calcule et tend des pièges) mais simplement de la douleur infinie d’une femme qui se découvre trahie. Les lettres sont comme un journal intime où la narratrice relate le moindre de ses tourments. Ce texte est à la fois inscrit dans son temps, où la femme est un objet, où les rumeurs au sujet de son honneur sont primordiales et à la fois pleinement contemporain pour la langue et la description des émois de la narratrice. Difficile aussi naturellement de ne pas penser à Stendhal pour la description si réaliste et brûlante de l’amour trahi.


Puvis de Chavannes, Tête de femme vue de derrière,
crayon noir, Lille, Palais des Beaux-Arts, image RMN
Ce court roman m’a plu pour la modernité de son dispositif et sa lucidité pour disséquer les variations et retournement des sentiments. J’ai également aimé la soif d’écriture qui saisit l’héroïne, ce besoin de mettre par écrit ses émotions et sensations, de tenir un journal de l’amour, chant de bonheur et de douleur.

Quant tu es loin de moi, je dépose sans cesse sur le papier mes regrets, mes souvenirs, les brûlantes expressions de ma tendresse, et, quoique ces lettres couvrent souvent ma table avant que j’aie pu te les envoyer, elles m’offrent une sorte de bonheur que je ne puis comparer à aucun autre, et elles sont devenues, après toi, le premier besoin de mon âme.

Avis de Lilly, billet d'Anis. D’après la postface, il s’agit de l’unique roman de Salm, qui a rédigé son autobiographie en vers, elle s’intitule Mes soixante ans. J’en aime le titre, à lire, peut-être…

  

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