Petru Cimpoeșu,
Siméon l’Ascenseurite, traduit du
roumain par Dominique Ilea, 1e publication en 2001, Paris, Ginkgo,
2013.
Ce
livre m’a d’abord tapé dans l’œil par son titre. Ayant eu quelques cours sur
les premiers chrétiens, je connais Siméon le Stylite, personnage historique
ayant vécu au Ve siècle en Syrie, ayant choisi de vivre en haut
d’une colonne, s’exilant ainsi du monde et attirant à lui les pèlerins.
Bref,
je m’attendais à une version burlesque de cet acte de foi, je n’ai pas été
déçue.
On
est dans une petite ville de Roumanie en 1997, après les Ceausescu, après la
chute du mur, avant l’entrée dans l’Union Européenne, quelques-uns
s’enrichissent mais la situation est difficile pour beaucoup. C’est la petite
vie quotidienne d’un immeuble. L’ascenseur est inexplicablement bloqué. M. Jean
le régisseur, ancien de la Securitate, aimant placarder des règlements partout,
essaie de savoir pourquoi. Mme Pélagie entretient une liaison adultère avec un
voisin « dont on taira le nom ». M. Élie essaie de réparer sa moto.
Un autre a des démangeaisons. Un couple rêve de gagner au loto… On découvre
Siméon, le cordonnier du rez-de-chaussée, enfermé dans l’ascenseur pour faire
une retraite. Tout le monde vient lui confier ses petits soucis.
Et
c’est truculent.
C’est
de la Roumanie dont il s’agit, la Roumanie d’après le communisme, découvrant
l’économie de marché, envahie par les gadgets en plastique, aux dirigeants
corrompus.
Jusqu’en 1989, les Roumains ignoraient ce qu’une campagne électorale signifiait au juste ; en revanche, ils savaient que, chaque fois que les magasins d’alimentation proposaient du salami et de la feta, il fallait voter CeauSescu.
Au
fil du récit, on se rend compte que les grands hommes du pays sont souvent
cités, je n’ai pas compris ces allusions, mais on comprend aussi qu’il ne
s’agit pas seulement d’un récit humoristique mais d’une parabole.
La
plupart des personnages ont des noms appartenant aux premiers siècles du
christianisme : Siméon, Pélagie, Hélène, Alice, Basile, Thémistocle… Je
suppose que saisir ces allusions apporte quelque chose mais on peut aussi
simplement sourire du contraste entre ces noms ronflants et les personnages
associés. M. Nicostrate est ainsi un professeur de yoga, option éveil sexuel,
dont Melle Zénobie est une fervente disciple. Quant aux pèlerins de Siméon, il
s’agit ici des locataires venant boire des bières dans la cage d’escalier.
Le
roman est riche, il y a beaucoup de personnages, dans lesquels on se perd un
peu, mais il suffit de retenir les principaux. Le livre se moque des
personnages, de leurs faiblesses, mais exprime un attachement pour leur
sursaut, leurs espoirs, leurs petites joies, ils sont humains.
Parabole
Pourquoi,
lorsque Dieu a partagé les qualités entre les nations du monde, la Roumanie a
reçu le fil de fer (3 pages très drôles !).
Tes fils, aux abois, bricoleront avec tout et n’importe quoi, de sorte que ce que l’Allemand, l’Anglais, le Juif, le Grec, le Français ou qui que ce soit d’autre, tiendra pour endommagé sans remède, tes fils y trouveront leur compte, et que ce que les autres jetteront comme périmé et inutilisable, tes fils le ramasseront et s’en serviront, comme si c’était du neuf et du prêt à l’emploi.
Merci
Ginkgo pour cette lecture réjouissante.
Très envie de le lire, j'ai pris le virus de la Roumanie en voyage là-bas !
RépondreSupprimerSiméon, une autre version de Diogène ?!
RépondreSupprimerMiriam : je ne sais pas si cela te rappellera ton voyage mais le livre est très bon.
RépondreSupprimerAlex : pas exactement. Diogène voulait vivre loin des faux attributs de la civilisation, pour revenir à une vraie nature humaine. Siméon veut se rapprocher de Dieu et consacre sa vie au jeûne, à la prière et à la pénitence. Il est le centre d'un pèlerinage.
Lire un livre après un voyage ne signifie pas lire des livres de voyage, je pense plutôt aux fresques des églises.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup l'extrait cité sur le fil de fer!
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