Ann Radcliffe, Les Mystères du
château d’Udolphe, traduit de l’anglais par
V. de Chastenay, 1e publication 1794.
Cela faisait longtemps que
j’avais envie de découvrir Ann Radcliffe (XVIIIe siècle + femme
écrivain + gothique anglais = top trio). Je suis ravie de ma lecture, que j’ai
dévorée avec joie.
L’histoire : l’héroïne,
Émilie, est une jeune femme, à la sensibilité exacerbée mais pleine de vertu.
Elle rencontre au début du roman le chevalier de Valancourt et l’entente est
réciproque. Est-il besoin de préciser que nos tourtereaux sont pauvres ?
Ça démarre lentement. Mais ensuite… Émilie est très vite orpheline, confiée à
une tante qui ne connaît que l’ambition comme sentiment. Et les événements
s’enchaînent : apparaît un mystérieux Italien, Montoni, Venise et sa
lagune, le château d’Udolphe dans les Apennins, des bandits, des revenants, des
passages secrets, des cryptes… tout l’attirail du roman gothique en sa
pureté ! Tout est loin d’être vraisemblable et l’on n’a guère de doute sur
le dénouement mais ce n’est pas l’essentiel. Le premier héros est d’abord le fameux château situé dans des montagnes escarpées et effrayantes, un vieux
château fortifié avec de grandes salles gothiques, des passages dans les murs,
des tours, une chapelle, etc. habité par une bande d’effrayants
condottiere ! Tout est dans l’atmosphère et la description des lieux. Bien
souvent, Émilie contemple la forêt, la montagne, à la nuit, au soleil couchant,
à la brume, à la lune et laisse le paysage l’impressionner. C’est le sublime :
l’être humain conscient de sa petitesse face aux forces superbes de la nature.
Momper, Paysage de montagne avec figures, Gênes, palazzo Bianco image M&M |
Ce qui m’a beaucoup plu aussi est
la capacité de Radcliffe à ajouter du mystère un peu partout : un bracelet
disparu, un tableau caché… dans les choses les plus simples, il y a quelque
chose de mystérieux sur lequel l’héroïne et le lecteur se méprend. Un art
vraiment habile de la narration, avec, comme dans les pièces de théâtre
classique, l’importance d’objets symboliques.
Quant aux personnages... Je ne
leur ai guère trouvé d’épaisseur pour la plupart mais ça ne pose pas de
problème car ce qui importe est la façon dont avance le récit – comme un
feuilleton. Émilie est une très bonne héroïne, à la fois impressionnable (elle
s’évanouit souvent) et pleine de détermination malgré tout, ce qui la rend
intéressante. Parmi les personnages secondaires, une mention pour Annette, la
femme de chambre, et Ludovico, jeune homme plein de courage.
L’histoire est censée se dérouler
à la fin du XVIe siècle mais l’essentiel est qu’il s’agit d’une
époque troublée, où des bandes ravages l’Italie et les montagnes du Sud de la
France, où les hommes d’armes ont tout pouvoir et où les choses les plus
effrayantes sont possibles. Mais les rêveries d’Émilie sont bien celles de
l’époque romantique.
Les nuages confus que la
superstition et la crainte avaient amassés dans l’esprit d’Émilie commencèrent
à se dissiper aux premiers rayons du jour ; elle se leva et courut à sa
fenêtre, d’où elle se mit à contempler le grand spectacle d’une nature
sauvage : les montagnes, entassées les unes sur les autres, laissaient
entrevoir, par échappées, des vallées ombragées d’épaisses forêts. Les vastes
remparts et les diverses constructions du château s’étendaient le long d’un roc
escarpé au pied duquel un torrent jaillissait avec fracas en se précipitant
sous de vieux sapins dans une gorge profonde.
L'avis de Cléanthe qui parle de "maniérisme de la tension". Lecture commune avec Claudia Lucia.
Depuis que j'ai lu "Northanger Abbey" où Jane Austen pastiche le roman gothique, j'ai envie de lire ce roman d'Ann Radcliffe qui est malheureusement toujours dans ma PAL pour l'instant. C'est un genre très codé, c'est peut-être pour ça que les personnages ont l'air de manquer de profondeur. Mais, ça n'enlève pas le plaisir de la lecture visiblement ! :)
RépondreSupprimerMoi je ne savais pas pour Northanger, c'est Claudia Lucia qui me l'apprend. Effectivement, les personnages sont d'abord des rôles, des caractères. Ce qui compte est plus l'agencement de épisodes narratifs et l'alternance des descriptions de paysages, de scènes tendres et de scènes de terreur.
RépondreSupprimerOui, je vois que nous avons le même ressenti de ce roman. Il obéit aux conventions du genre et fonctionne très bien. A quand une prochaine lecture commune? Ca te dirait le livre de Dumas sur les Médicis?
RépondreSupprimerAh! je vois que tu l'as mis dans le challenge italien, Je vais ajouter le logo.
RépondreSupprimerJe ne connais pas le Dumas sur les Médicis mais j'en suis avec plaisir ! J'ai téléchargé plein de choses de lui en plus sur la liseuse.
RépondreSupprimerJe viens de le commander sur ma liseuse car moi aussi j'avais envie de découvrir cette auteure? Et c'est grâce à des blogueurs comme toi que la littérature écrite par des femmes retrouve droit de cité, et une place dans l'histoire littéraire. Et ça, c'est génial !
RépondreSupprimerj'ai déjà lu le billet de claudialucia, vous me tentez beaucoup moi qui suis au prises avec les bravi de Manzoni en Lombardie au 17ème siècle!
RépondreSupprimerAnis : cela fait longtemps que je connais le nom de Radcliffe mais je n'avais encore jamais lu, je pense maintenant que je vais lire les autres titres.
RépondreSupprimerOui Miriam j'ai vu, je pense que cela te plairait en effet !
Encore une que je n'ai pas lue, c'est tentant, rhaaaa ! :)
RépondreSupprimerJe pense que tu aimerais beaucoup Asphodèle !
RépondreSupprimerAujourd'hui, ce gothique anglais est plus drôle qu'effrayant...
RépondreSupprimerÇa on n'a pas vraiment eu peur, c'est vrai. D'autant que comme c'est un roman du XVIIIe, tout s'explique très simplement à la fin ! Pas de fantastique.
RépondreSupprimerMoi aussi, j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman. Et quelles magnifiques évocations des paysages (de régions dans lesquelles, pour l'anecdote, Ann Radcliffe n'a jamais mis les pieds!).
RépondreSupprimerC'est d'accord pour le Médicis de Dumas que je n'ai jamais lu ; Début juillet, ça te dirait?
RépondreSupprimerEncore un billet pour ton challenge Il Viaggio toujours à partir des Mystères d'Udolphe,le passage sur Venise.
http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2013/05/semaine-italienne-venise-avec-les.html
Cleanthe : voilà de quoi convaincre que c'est un grand écrivain ! Merci pour l'info.
RépondreSupprimerClaudia : Oui, j'ai déjà une LC le 15 et j'aimerais avoir un peu de temps : à partir du 10 juillet ? Je note le lien, je vais l'ajouter.
C'est d'accord pour le 10 JUillet.
RépondreSupprimerUn autre lien pour le challenge Il Viaggio :
http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2013/05/semaine-italienne-les-fiances-de.html
OK c'est noté et j'ai relevé le lien dans la journée, tout est bon !
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