Scènes
de la vie privée des animaux, ouvrage
collectif, 1842, lu chez Gallica.
Une
petite curiosité pondue par le XIXe siècle : un ouvrage de deux
volumes de plus de 300 pages chacun, coordonné par le dessinateur Grandville et
composé de fables animalières.
Le
prétexte : les animaux du Jardin des Plantes décident de faire la
révolution pour renverser la domination qu’exercent sur eux les êtres humains,
ces animaux chétifs, cruels et mal foutus. Il ne reste pas grand-chose de leur
lutte sinon un volume de témoignages et de récits de vie d’animaux. Ce sont des
fables dans la descendance de La Fontaine, visant à moquer les travers humains.
C’est très loin d’être un chef d’œuvre, puisque la part la plus réussie de ce
recueil est dans les dessins, à la fois élégants et humoristiques. Donc,
sélection :
Parmi
les auteurs il y a Balzac : Peines de cœur d’une Chatte
anglaise ; Guide-Âne ; Voyage d’un Lion d’Afrique à Paris ; Les
Amours de deux Bêtes. Loin d’être le
meilleur du volume ou le meilleur de Balzac.
L’Ours par Louis Baude qui chante la douceur de la vie
en famille dans sa tanière et explique qu’il faut se méfier de la vie d’ermite
dans ses montagnes.
Oraison funèbre d’un ver à soir
Nous savons, dit-il, que tout ce qui commence a une fin, et qu’il faut donc mourir ; nous savons ce qu’il faut de courage pour gagner sa vie feuille par feuille, et sa feuille bouchée par bouchée ; nous savons ce qu’il faut de patience et d’abnégation pour qu’une feuille de mûrier devienne une robe de soie.
Beaucoup de récits se moquent des
écrivains à la mode (Histoire d’un Merle blanc plutôt réussie), des querelles théâtrales et musicales, des écrivains
romantiques et plus généralement de la jeunesse Bohème dans d’aimables
caricatures. La Révolution de 1830 est vue par les yeux d’un Lièvre et la
politique des humains apparaît totalement dépourvue d’humanité et de bon sens. J’ai découvert
le texte féministe de Marie Ménessier-Nodier qui, sous la plume amère d’une
Hirondelle, se plaint de la domination masculine :
Ici comme ailleurs, l’espèce mâle a envahi toute autorité ; ici comme ailleurs, ils sont nos maîtres ; il faut se l’avouer et essayer d’en prendre son parti. Jusqu’à ce qu’on ait trouvé un quinquina ou une vaccine pour guérir la maladie dont notre sexe est possédé, cette maladie épidémique et contagieuse à la fois, qu’on se transmet de mère en fille depuis le commencement des siècles, et qui exige impérieusement que nous soyons gouvernées et battues, il faut que l’intelligence cède à la force, et que nous portions nos chaînes sans murmure.
Des textes touchants : Les
aventures d’un papillon de J. P. Stahl ou Les
Doléances d’un vieux Crapaud de Gustave
Droz.
Une contribution de George Sand, Voyage
d’un moineau de Paris, qui examine différents
régimes politiques et vante les mérites du régime des Loups.
Ici, un texte tout à fait sérieux et politique, grâce à cette transposition
animalière.
Autres auteurs : Émile de la
Bédollière, Jules Janin, Édouard Lemoine, Paul de Musset (Les Souffrances
d’un Scarabée plutôt bien fait), Charles
Nodier (Un Renard pris au piège
très mignon et drôle), Louis Viardot, Alfred de Musset (Histoire d’un
Merle blanc), Pierre Bernard.
Plusieurs textes ont des
références littéraires avouées, en plus des portraits satiriques évoqués. Le
Rat philosophe est une comédie de Molière, Un
Renard pris au piège est un mélodrame avec
amours contrariées (un Renard est amoureux de Cocotte), Les
Contradictions d’une Levrette est le
portrait d’une élégante levrette mariée à un balourd de Bouledogue (qui joue de la clarinette) mais devenue
une Madame Bovary qui s’accommode
de son sort, Le Mari de la reine
est une histoire d’amour passionnée à la Carmen chez les Abeilles et les Faux-Bourdons.
On sourit souvent. Notamment quand les écrevisses font la Révolution en chantant : « En avant, marchons / Tous à reculons… » À lire en picorant.
Merci pour ta participation ! :)
RépondreSupprimerDe rien, de micro participation en mini participation, je vais bien arriver à reconstituer l'ours entier.
RépondreSupprimerMême si la qualité littéraire de l'ouvrage ne semble pas exceptionnelle, j'aimerais quand même bien voir ce que ça donne un jour.
RépondreSupprimerFaut piocher dedans, ou le lire à petites doses entre les romans. Les dessins sont ce qu'il y a de plus intéressant.
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