La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 4 juillet 2013

C’était un grand paysan du pays de Caux, haut en couleur, gros de poitrine et de ventre, et perché sur de longues jambes.


Guy de Maupassant, Pays de Caux, vol. 2 Contes et nouvelles de la campagne, nouvelles rassemblées par les Éditions des Falaises, 2005.

Que c’est dur et cruel, Maupassant ! Ce sont les mots qui me sont venus à la lecture de ce recueil.
Il ne s’agit pas ici d’un recueil conçu par Maupassant, qui, régulièrement, rassemblait ses textes parus dans la presse, pour les publier en livre, mais d’un recueil voulu par les Éditions des Falaises qui ont sélectionné ces nouvelles sur une base thématique : on est dans le pays de Caux. Les recueils voulus par Maupassant obéissent à un principe de variété dans la longueur, la thématique ou le ton alors qu’ici on plonge dans la campagne normande et sa dureté – d’où mon impression.
Paysans aisés ou pauvres, vieux radins ne se décidant pas à mourir, filles se faisant engrosser, hobereaux amateurs de chasse, maire du village, facteur, curé, fils bon à marier… On visite les fermes, les bottes de foin, les pommes à cidre, la soupe, le pain, les vaches. On se rend aussi à la foire du village quand tous les paysans se rendent là pour faire des affaires et boire. Car il s’agit surtout d’argent et on boit beaucoup.

-       Et qu’est-ce que je lui raconterai, moi, à ton père ?
-       Mais…c’que vous racontez au sermon pour faire donner des sous. »
Dans l’esprit du paysan tout l’effort de la religion consistait à desserrer les bourses, à vider les poches des hommes pour emplir le coffre du ciel.


La vie est dure et elle est dure pour tout le monde à la campagne. La dureté de cœur appartient à tous, riches ou pauvres, hommes ou femmes. Des cœurs secs, l’avarice, la débilité de l’alcool. Et pourtant on ne sent pas chez l’auteur de dénonciation ou d’indignation vertueuse : il sait bien que l’humanité est pareille partout, il suffit de l’avoir lu pour savoir que Maupassant ne se sent pas vraiment à l’écart de ces gens du pays de Caux.


Photographie anonyme, Maison du village de Saint-Martin
Paris, musée d'Orsay, image RMN.

En dépit de son cadre bucolique, des belles vaches, des pommiers en fleur, du soleil sur les chemins, je suis soulagée d’être sortie du recueil. Bien évidemment, tout cela est à la louange de Maupassant et de sa plume : langue précise, art de la formule et du portrait, les caractères humains sont bien présents sous nos yeux, les personnages sont là, évoqués en quelques lignes, quelques mots. L’humanité est aussi touchante dans ses faiblesses : notamment un curé s’émerveillant devant un petit enfant venant de naître ; c’est une très belle scène, tout en délicatesse.
Rien n’est laissé au hasard : un objet dit l’argent, dit la guerre, le républicanisme, la beauté. Talent de conteur et présence réelle.
J’ai retrouvé plusieurs nouvelles se trouvant dans le recueil de La petite Roque, que j’ai relues avec plaisir.

Les hommes avaient relevé leurs pantalons pour n’en point brûler le bord dans la neige ; les femmes tenaient haut leurs jupes, montraient leurs chevilles maigres, leurs bas de laine grise, leurs quilles osseuses, droites comme des manches à balai.

Bon pour le challenge Maupassant de Margotte. Je remercie les éditions des Falaises et VendrediLecture grâce auxquels j'ai reçu ce livre il y a longtemps déjà. 




7 commentaires:

Margotte a dit…

Je trouve cette démarche thématique vraiment intéressante ! Et cela me fait penser que je n'ai pas lu du Maupassant depuis longtemps, TROP longtemps ! Bonne journée :-)

catherine a dit…

Contente que tu dises que ce que raconte Maupassant est dur!
il est tellement encensé!
CE xix était tellement misogyne qu'il
reste peu de femmes écrivains de cette époque à part George Sand!
dans un autre registre.

nathalie a dit…

Margotte : oui, au départ, j'étais déçue, car je préfère tant qu'à faire les recueils voulus par les auteurs même si dans le cas de Maupassant ça n'a pas forcément beaucoup de logique. Et je dois dire que cela a modifié ma vision de ces nouvelles, en renforçant le côté portrait d'une société cruelle.
Catherine : je ne sais pas si je me suis exprimée clairement. Oui, Maupassant était sexiste, comme tous les types du XIXe, et rien ne l'excuse. Mais son écriture est dure pour tout le monde, elle rend les caractères sans la moindre complaisance. Je ne vois pas vraiment le rapport entre les deux...

Arieste a dit…

Cela fait très longtemps que je n'ai lu d'écrits de Maupassant, cet auteur a la faculté de me déprimer, mais ce recueil thématique doit être intéressant.

nathalie a dit…

C'est vrai que ce n'est pas toujours gai, difficile de le nier. Mais c'est tellement virtuose !

Asphodèle a dit…

Pour moi Maupassant est un vrai peintre de la littérature, je me demande s'il ne poussait pas le vice à ajouter de la dureté pour bien "dépeindre" justement la rudesse de la vie, les traits accentués des caractères. Ce qu'il dit du Pays de Caux se retrouve dans toute campagne qui se respecte ! :) Et quand on raconte sans enjoliver (mais avec talent), ce n'est pas forcément gai au final...

nathalie a dit…

C'est exactement ça, oui.