La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 2 juillet 2013

Parfois, c’est dans le sommeil qu’on est le plus heureux, tu y es à l’abri, le monde ne t’atteint pas. Tu rêves de sucre candi et de jours de soleil.


Jón Kalman Stefánsson, Entre ciel et terre, traduit de l’islandais par Éric Boury, paru en 2007.

Un roman à la langue magnifique et créatrice, j’en ai fait une lecture émerveillée.
Le personnage principal est « le gamin » dont on apprend au détour d’une phrase qu’il aurait 20 ans. Mais il est le plus petit et le plus jeune dans un monde d’une dureté infinie : celui des pêcheurs de morue en Islande. Là où les hommes vivent dans des baraquements à l’année, vont sur des petites barques pêcher et reviennent (ou ne reviennent pas). La neige, le froid, le vent, les montagnes, la mer, la vie est dure et le gamin, tout jeune qu’il est, a déjà vu beaucoup mourir autour de lui. Les hommes tombent et les vies se recomposent.

D’un côté, la mer, de l’autre, des montagnes vertigineuses comme le ciel : voilà toute notre histoire. Les autorités et les marchands règlent peut-être nos misérables jours, mais ce sont les montagnes et la mer qui règnent sur nos vies.

Dans ce monde, le gamin est différent. Il aime lire, il est ami avec Bárður. Mais son ami, trop absorbé dans le Paradis perdu de Milton, oublie sa vareuse et meurt de froid. Le gamin va alors quitter le baraquement pour aller au Village.
En dépit de la dureté du milieu, il y a une belle galerie de personnages, aux longues barbes, peu loquaces, mais bien caractérisés. On sait que le gamin sortira de là, grâce aux livres et à l’exil. Un « nous » apparaît souvent, englobant les morts et les vivants ; c’est aussi le roman d’une communauté disparue.

Le café bout, ils ouvrent leurs gamelles, tartinent le pain de seigle avec leur pouce d’une épaisse couche de beurre et de pâté, accompagné d’un café brûlant aussi noir que la plus sombre des nuits dans lequel ils plongent du sucre candi, si seulement nous pouvions en mettre dans la nuit afin de la rendre plus douce.

Photographie de Pierre Thomas pour l'ENS Lyon
C’est aussi un monde où les mots et la parole ont leur force. Lire de la poésie peut tuer, chanter des couplets paillards permet de supporter l’attente de la pêche, un « voilà » peut tout décider. Comme si la seule arme des hommes contre les forces de la nature était leurs pauvres petits mots.

Il est mort de froid parce qu’il a lu un poème.
Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n’atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu’à l’essence même, la vie s’immobilise l’espace d’un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l’oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s’approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort. Celui qui meurt se transforme immédiatement en passé. Peu importe combien il était important, combien il était bon, combien sa volonté de vivre était forte et combien l’existence était impensable sans lui : touché ! dit la mort, alors, la vie s’évanouit en une fraction de seconde et la personne se transforme en passé.

L'avis de Lillounette, de Dominique et Jérôme (qui vous présentent la saga complète), de Delphine qui est dans le même état que moi, de Lili, de Choco. Un livre d'hiver lu à Marseille, j'ai eu un peu de mal à entrer dans ce froid. Un cadeau d'Eva, merci !

8 commentaires:

  1. Plus je repense à ce livre, moins il me convainc.

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  2. Je suis en train de lire la suite : La tristesse des anges et je suis toujours autant sous le charme !

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  3. Lili : j'ai vu que tu trouvais cela invraisemblable mais cela ne me gêne pas. Je trouve le prétexte invraisemblable également mais cela ne me pose problème que dans les cas des livres mal écrits. Ici, c'est presque tout un symbole.
    Delphine : oui, j'ai vu que tu étais lancée dans la saga !

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Avec ton penchant pour le Grand Nord et après avoir feuilleté le livre j'avais pensé qu'il te plaira...je ne me suis donc pas trompée! Tant mieux :-)
    E.

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  6. Ahh ça me tente terriblement ce grand Nord : quel exotisme .
    Et je pense à Jorn Riel et ses nombreux contes du grand Nord .Alors , je suis preneuse mais sans hâte : je me hâte lentement vers des fins de romans et débuts d'autres en anglais compulsory ! y

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  7. Un livre magistral que j'ai chroniqué aussi ainsi que le deuxième tome La tristesse des anges.

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  8. Oui, bravo Eva-Femme du Panier.
    Ysa : j'ai justement emprunté un livre de Riel à la bibliothèque, par curiosité.
    Eeguab : ah mince, j'ai loupé ton billet. Je pense que je vais essayer de continuer dans la saga également.

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