La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 24 juillet 2013

L’eau avait coulé sous les ponts et le temps n’avait épargné personne.


Thierry Crifo, Ville de nuits, édition Rue du Départ au Havre, 2012.

Encore un petit livre de cette maison d’édition spécialisée dans le noir (amateurs, n’hésitez pas). Il s’agit d’un recueil de nouvelles, dans la France d’aujourd’hui (sauf une petite excursion à Rome), dans le mal être des villes. Sept textes courts mais intenses.
Les personnages (on n’ose dire « héros ») sont des gens ordinaires qui n’ont plus grand-chose à attendre : Marguerite qui vieillit et qui prend garde à ne pas laisser la moindre zone de vide dans ses vieux jours car la folie ou la mort s’y engouffrerait bien vite ; femmes revenant sur le parcours d’une vie ni choisie ni amusante, un vieux et une jeune femme qui se croisent dans une boîte sado-maso. Il y est question de petites détresses du quotidien et de solitude et de grandes violences : on y bat les femmes, on s’y suicide, le cœur s’arrête dans un râle de plaisir, on peut manigancer une vengeance avec patience et puis y renoncer pour un peu de beauté.
Tout le talent est dans la langue, d’une haute ambition, tout au service de cette humanité, qui subit les événements ou donne l’impression de les subir parce qu’on peut se débrouiller aussi. Le vocabulaire est riche et précis, les phrases cernent le lecteur à coups d’énumérations et de petites phrases brutales.

J. Hugo, Prostituée assise dans un bordel de Nancy
1917, Blérancourt, musée franco-américain, image RMN
Cette lecture donne l’étrange impression que les choses ne peuvent que mal se passer mais où finalement on se dit que ce n’est pas si mal.

Sa vraie couleur est, sous la perruque plaquée, le gris, le gris de ses cheveux, de son quotidien, contrastant, (contrastant ?) le doré éphémère et frelaté des billets qui passent de mains en mains, depuis la nuit des temps.

Je remercie les Éditions Rue du Départ et Catherine Hémery-Bernet pour cette lecture. Mes billets sur Ton visage de Pascal Millet et Pile et face de Dominique Delahaye.




2 commentaires:

Arieste a dit…

je ne connais ni cet auteur ni cette maison d'édition mais tu me donnes vraiment envie de m'y intéresser :)

nathalie a dit…

Si tu aimes la littérature noire mais juste un peu, c'est l'idéal, car ce sont de petits livres de 100-120 pages. Maison d'édition associative du Havre.