La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 15 juillet 2013

On eût dit que les vrais exilés étaient nous qui demeurions au pays.


Robert Louis Stevenson, Le Maître de Ballantrae, traduit de l’anglais par Théo Varlet, paru en 1889.

Un nouveau Stevenson à mon actif !
L’histoire : l’affrontement entre les deux fils héritiers d’un domaine écossais, James et Henry. L’aîné suit ses impulsions, sans scrupule, plein de charmes et de cruautés. Bref, un héros. L’autre est vertueux, moral, honnête et terne. 

Ballantrae décidait à pile ou face de notre direction ; et une fois, comme je lui reprochais cet enfantillage, il me fit une réponse que je n’ai jamais oubliée :
-       C’est le meilleur moyen que je connaisse d’exprimer mon dédain de la raison humaine.

Entre les deux, un titre de Lord, un château, de l’argent, une femme et l’amour d’un père. C’est l’histoire de Jacob et d’Esaü au XVIIIe siècle. Avec ce détail que l’histoire est racontée par le régisseur, qui est du côté d’Henry (le terne), mais qui admire James (l’aventurier), c’est un type sentencieux, de parti pris et qui raconte tous les faits sans en être acteur. On doute à plusieurs reprises de sa parole et il semble quelquefois plus précipiter la catastrophe (telle la Nelly des Hauts de Hurle-vent même si être comparé à une femme lui serait insupportable) – il est au service de son récit. À noter que ce narrateur est qualifié à plusieurs reprises de « vieille fille » - ce qui lui va assez bien.

La force de ce roman est qu’il manie différents univers : la lande écossaise avec les contrebandiers, les pirates, le huis clos familial, le voyage en mer, l’Indien mystérieux (qu’il soit de l’Inde ou de l’Amérique), l’expédition sur l’Hudson et dans les forêts américaines avec des chasseurs de trésor. Il faut avouer que c’est très dépaysant, il s’agit d’un roman d’aventures, plein d’invraisemblances, piochant à différentes sources littéraires, toutes familières à Stevenson. On trouve ici des aspects présents dans un peu tous ses textes.

Cheyne Ian, La Vallée de l'Enfer, 1928
gravure sur bois, Edimbourg, National Galleries of Scotland
 image RMN
Parmi les faiblesses : la langue un peu emberlificotée, due aussi au fait que le narrateur est tiraillé entre plusieurs choix, admirant un frère mais fidèle à l’autre, ses atermoiements font partie du texte. On peut aussi trouver que Stevenson frôle les différentes atmosphères sans forcément plonger dedans. Il y a cependant de belles descriptions des forêts américaines.
 Moi j’ai eu un peu de mal à comprendre la base de départ (l’histoire politique de l’Écosse m’échappe un peu) et je me suis quelquefois embrouillée entre les Master, Mylord et Maître, mais là-encore cette confusion fait partie du roman. James et Henry sont en effet les deux faces d’une fratrie, Stevenson étant visiblement fasciné par la dualité humaine.

J’enviais presque, en songeant à lui, son bonheur d’en avoir fini avec les inquiétudes et les fatigues humaines, ce quotidien gaspillage d’énergies, ce fleuve quotidien des contingences qu’il nous faut passer à la nage, à tout risque, sous peine de honte ou de mort.




5 commentaires:

claudialucia a dit…

Un vrai régal ce roman et les invraisemblances importent peu puisque le roman frise le fantastique; ce qui compte c'est le souffle qui passe dans ce récit... Et ne plus j'adore cette période historique de l'Ecosse.


Je vais rester à l'époque victorienne avec Les amoureux de Sylvia de Gaskell. Si ça te dit de te joindre à moi!

Lili Galipette a dit…

Voilà qui me tente beaucoup beaucoup !!

nathalie a dit…

Claudia : je renonce à Gaskell, je n'ai pas ça en stock.
Lili : j'espère que cela te plaira !

miriam a dit…

le challenge victorien existe-t-il encore?

nathalie a dit…

Oui, Arieste l'a prolongé, on en a encore pour une bonne année. Tu peux t'y inscrire sans souci (clique sur mes liens).