Jean Anouilh, Médée, jouée et publiée en 1948.
J’ai lu par curiosité cette
version du mythe par Anouilh. Mais, comme pour Antigone, je ne suis pas convaincue.
Ici, Médée vit dans une roulotte
avec une vieille nourrice et ses enfants, aux portes d’une ville où Jason
célèbre ses nouvelles noces. Créon apparaît en gardien de l’ordre, mais pas de
Créuse sur scène. Quant à la fin : Médée poignarde ses enfants et met le
feu à sa roulotte. Pas char ni de dragons ici, ni d’appareil mythologique.
Il y a un vrai contraste avec les
tragédies antiques dans le fait qu’il n’y a plus ni dieux ni destin. Jason et
Médée sont un couple d’aventuriers, fuyant un pays, réfugiés dans un autre, un
vieux couple, dont l’amour a existé et n’est plus. Les personnages sont plus
petits. Ne plus être sous le regard du destin, c’est redevenir simple être
humain. Le tragique fait place au pathétique. J’ai aussi eu l’impression que la
barbarie de Médée avait changé : non grecque, exilée chez Euripide,
magicienne incontrôlable et infréquentable chez Corneille, elle est ici d’une
sauvagerie plus familière : du côté de la nuit et des bêtes, comme une
sorcière du Moyen Âge chrétien. Jason en revanche en gagne, il apparaît moins
lâche, moins violent, plus humain, et plus touchant dans ses émotions
contradictoires. J’ai eu le sentiment que les personnages étaient trop petits
pour porter le mythe et qu’ils y renonçaient, à l’exception de Médée, sourde à
tout, qui s’efforce d’être à la hauteur de son destin.
J’aime beaucoup la fin : les
petites tragédies humaines sont ponctuelles et ne modifent pas l’ordre
quotidien des choses. Les personnages hors normes se détruisent, restent les
personnages secondaires, incarnant la permanence du monde.
Médée
Si nous ne veillons que des
choses mortes, pourquoi avons-nous si mal, tous les deux, Jason ?
Jason
Parce que toutes les choses sont
dures à naître dans ce monde et dures à mourir aussi.
Sara Bernhardt dans le rôle de Médée dans la version de Catulle Mendès, image BNF.
Je crois que je préfère définitivement la version d'Euripide, ou l'analyse de C. Wolf sur le personnage
RépondreSupprimerBonne journée!
Pour le moment, celle d'Euripide est aussi ma préférée. Et je lis celle de Wolf en août, on verra bien.
RépondreSupprimerTu es incollable sur Médée dis donc !!! Et nous avec !!! Un beau billet !!!! :)
RépondreSupprimerC'est un défi très intéressant en effet. Et en plus, il se fait facilement parce que les pièces de théâtre sont vite lues.
RépondreSupprimerMais les personnages mythiques le sont parce qu'ils sont humains et petits! Il y a encore des mères (ou des pères) qui bouffent leurs enfants même de nos jours, au sens propre et comme au sens figuré. Non? Cela me fait penser à Angelica Lidell quand elle parle de sa mère (Todo el cielo.. : Festival in d'avignon 2013)
RépondreSupprimerAh mais je sais bien que les héros sont humains mais d'abord ils y sont plus ou moins selon les versions. Et puis ce n'est pas pareil :
RépondreSupprimer- Euripide ne connaît pas la morale chrétienne mais sait que le destin existe.
- Corneille fait une tragédie, donc il lui faut des douleurs héroïques et plus grandes qu'ordinaire
- Anouilh écrit après la guerre. Sa pièce est de son temps mais son personnage de Médée vient d'un autre temps en revanche.
je pense lire Wolf ou Gaudé, si possible avant la fin de l'année...
RépondreSupprimerparce que pour l'instant, pas encore lu pour le pari Hellène...
bonne soirée
Intéressant ton billet sur Médée, je ne connais pas ce mythe malheureusement. ça viendra. J'ai lu par ailleurs Antigone et moi non plus je n'ai pas été convaincue. Mais je vais peut-être le relire ce soir, histoire de me le remettre en tête. Merci pour cette découverte.
RépondreSupprimerMazel : normalement je lis le Médée de Wolf cet été, si le programme de lecture est maintenu !
RépondreSupprimerMissy : je préfère les versions antiques... indécrottable !