La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



dimanche 5 janvier 2014

Il n’y avait quasiment pas de gens âgés pour mourir, en ce temps-là.


Alice Munro, Du côté de Castle Rock, traduit de l’anglais par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, publication originale en 2006.

Ceci est, je crois, l’unique roman d’Alice Munro dont le talent privilégié est celui de la nouvelle.

C’est un roman et ce n’est pas roman. C’est le roman d’une famille écossaise aux nombreuses ramifications (dans lesquelles on se perd) dont plusieurs membres partent s’installer en Amérique, en l’occurrence au Canada, et font partie de ces premiers paysans défricheurs. À partir de quelques documents d’archives, Munro imagine le parcours de ses ancêtres, sans cacher que la plupart de son récit est imaginaire. Au fur et à mesure qu’elle se rapproche de son époque, qu’elle parle de ses grands-parents, puis de ses parents, il y a plus de souvenirs vrais et plus de « je ».

« Que ferez-vous dans l’Ouest canadien ? »
Cela lui semble la plus sotte des questions. Elle secoue la tête – que peut-elle dire ? Elle fera la lessive, la couture et donnera presque certainement la tétée à de nouveaux enfants. L’endroit où cela se passera n’a guère d’importance. Ce sera dans une maison, et pas des plus belles.


Ce livre nous plonge dans le monde campagnard de l’Écosse passée, de la traversée en voilier pour les immigrés et du Canada ancien, à la fois pauvre et austère. C’est très intéressant sur le plan historique. La vie est dure, on y meurt jeune. Les distinctions entre classes sociales, sexes et générations y sont exprimées violemment. Dans un monde où la réputation et le qu’en-dira-t-on sont omniprésents, on comprend que Munro ait une sensibilité aiguisée aux moindres nuances des positions des uns et des autres.
Comme d’autres écrivains (Annie Ernaux par exemple), elle est à cheval sur deux univers, celui de la ville et celui de la petite maison en brique.
On retrouve sa finesse d’analyse, son attention aux détails qui font l’importance de la vie, avec une écriture plutôt froide. Je dois cependant dire que j’ai préféré Les Lunes de Jupiter car son art est bien plus resserré dans les nouvelles.

L’idée que les autres se faisaient de moi – pas seulement la sorte d’idées que ces hommes ou Miriam devaient avoir, chacune plutôt dangereuse dans son genre – mais n’importe quelle idée, me semblait recéler une menace mystérieuse, une grossière impertinence. Je détestais même entendre quelqu’un tenir des propos relativement inoffensifs.
« Je t’ai vue passer dans la rue l’autre jour. Tu avais l’air dans les nuages. »
Jugements et supputations comme un essaim d’insectes cherchant à pénétrer dans ma bouche et mes yeux. J’aurais voulu les écraser, j’avais envie de cracher.

L'avis de Lili qui est déçue, de Miss G qui s'est vraiment très ennuyée. Un billet en lien avec Le Club des Lectrices. Munro fait partie du Challenge Lire avec Geneviève Brisac. Une femme écrivain




7 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Tu as réussi à le terminer ?

nathalie a dit…

Oui, sinon je l'aurais dit !
Je comprends que l'on s'y ennuie parce que l'écriture est assez froide et que le livre manque de tenue. Mais pour être honnête je trouve un peu crétin de se dire "tiens Munro a eu un prix, j'ai envie de la découvrir car je ne la connais pas, et comme elle est nouvelliste, on va prendre son seul roman". Je crois que le Club des Lectrices a fait une petite erreur de jugement sur le coup. Une nouvelliste, on lit ces nouvelles ! Même que la moitié du recueil. C'est sûr que là c'est un roman qui raccorde différents récits, ce n'est pas très construit.

Miss G a dit…

Un jour (lointain je pense) j'essaierai de lire un recueil de nouvelles de cette auteur. Ca passera peut-être mieux que ce roman.

Lili Galipette a dit…

En fait, nous devions choisir le livre d'un auteur ayant eu le prix Nobel de littérature. Et dans le club, rares sont celles qui aiment les nouvelles...

nathalie a dit…

C'est bête, ça me paraît peu honnête de la juger ainsi. Par exemple le défaut de manque de construction est absent des recueils. Et cette langue froide mais précise ne fait pas le même effet dans un récit court que dans un roman de 400 pages. Après, je ne suis pas une inconditionnelle, je pense que je me lasserais assez vite de ces femmes, parce que cela peut être répétitif.

nathalie a dit…

J'ajoute que je trouve quand même ce roman très intéressant pour ce qu'il dit de la vie des pionniers dans un monde qui a disparu. Et parce que ce n'est pas facile d'analyser les rapports entre individus dans une société qui fonctionne au coup d'oeil, à la réputation, au sous-entendu. Munro a cette finesse d'analyse-là.

Theoma a dit…

toujours pas découvert l'auteure...