La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 1 mars 2014

Le foyer familial était l’endroit où l’on vous remettait à votre place.


Alice Munro, Secrets de Polichinelle, traduit de l’anglais par Céline Schwaller-Balaÿ, parution originale 1995.

Troisième et dernier livre de Munro que je lis qui s’avère avoir un talent plus varié que ce que je pensais.
Il ne s’agit pas à proprement parler de nouvelles, mais plutôt de courts récits de 40-70 pages. À chaque fois, des femmes en sont des héroïnes. Pas toujours la femme que l’on pense, c’est quelquefois une autre voix qui va venir en contrepoint. Ce sont des récits intérieurs, des souvenirs, des lettres. On se remémore les traumatismes subis, les humiliations, les secrets terribles et enfouis.

Qu’est-ce qui clochait chez les femmes comme elle ? Parfois, il suffisait de malchance. Ou d’un mauvais jugement à un moment décisif. D’un excès de vivacité et d’assurance, autrefois, qui avait mis les hommes mal à l’aise ?

J’ai nettement préféré Les Lunes de Jupiter qui est un recueil plein de finesse et d’acuité. Les histoires y sont plus anodines, les narrations plus resserrées, les mots les plus subtils. Ici, les douleurs enfouies sont plus graves et violentes. Je n’ai pas ressenti le même attachement, la même vibration, comme si Secrets de Polichinelle parlait moins à l’intime.

On ne peut laisser ses parents approcher de ses véritables humiliations.

Une sensation troublante provient du fait que plusieurs des récits ont une proximité avec certains épisodes de Du côté de Castle Rock. Dans le prologue de ce roman, Munro avertissait qu’elle avait relié plusieurs histoires, et qu’elle ne garantissait pas toujours la véracité de ce qui y était raconté. La lecture des Secrets de Polichinelle jette le trouble : ces morts, ces disparitions, ces viols qui ne sont pas rapportés dans Du côté de Castle Rock en font-ils partie ? La superposition des volumes fait douter, introduit le trouble dans les narrations si jamais le lecteur essaie de relier les différentes histoires entre elles.
Je pense que ce trouble est le cœur du talent de Munro qui fouille les drames intérieurs vécus par les hommes et les femmes, dans un monde rétrograde et toujours compliqué pour les femmes, engoncées dans les exigences sociales dont elles sont à la fois les victimes et les gardiennes. Elle a le talent rare de raconter le quotidien et la petite vie intérieure.
  
Avoir des enfants vous changeait. Cela rendait votre position d’adulte suffisamment avantageuse pour vous permettre d’éliminer et d’abandonner entièrement certaines parties de vous – les anciennes. Le travail, le mariage ne faisaient pas tout à fait la même chose : ils vous faisaient seulement agir comme si vous aviez oublié certaines choses.
  
Des femmes écrivains. L'avis de Mango. Pour le blogoclub.



8 commentaires:

Anonyme a dit…

Il me tente, mais les avis mitigés des participantes à cette LC, me font un brin douter ! à voir donc !

nathalie a dit…

Honnêtement Les Lunes de Jupiter me semble bien plus fort. Je le conseillerais.

sylire a dit…

Je retiens donc "les lunes de Jupiter" pour une prochaine lecture le l'auteur.

sylire a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Mirontaine a dit…

Très tentant!

nathalie a dit…

Un auteur intéressant, qui mérite qu'on prenne le temps de la découvrir.

Tania a dit…

Je viens de faire connaissance avec Munro et ce que vous écrivez ici de "Castle Rock" m'a particulièrement intéressée - je mettrai un lien vers votre billet.
Pour la fiction, je retiens "Les lunes de Jupiter" que beaucoup mettent en avant.

nathalie a dit…

Bonjour Tania. J'espère que votre lecture vous plaira et vous intéressera.