Jean Giono, Ennemonde et autres
caractères, 1968.
Tout petit livre où la Haute-Provence tient tout entière.
À travers l’histoire de la vie d’Ennemonde, énorme femme édentée, et de
ses amours mûrement choisies, Giono raconte précisément le mode de vie dans les
fermes de cette région à l’écart des routes. Chaque montagne, chaque vallée,
les maisons de pierres sèches, le vent, l’odeur du cochon, les bruits… Comme
une histoire de paysan, il y a des boucles et des détours, on détaille
l’histoire du voisin et celui de l’huissier, et on détaille la foire et les
saisons, avant d’en revenir à Ennemonde, maîtresse femme dans un monde où on
décide soigneusement à l’avance de sa vie.
Dans si peu d’espace et avec si peu de gens, on est forcé de rencontrer toujours les mêmes. D’autant plus qu’eux sont de grand format.
L’être humain vit parmi les plantes et les animaux, il n’y a pas de réelle différence entre eux, il est immergé dans un univers qui le dépasse et qui s’impose à tous les êtres vivants.
Il ne s’agit pas du printemps des poètes. Aussi bien, on ne voit pas trop ce qu’Ennemonde pourrait faire, maintenant, avec des prairies émaillées de fleurs et le chant des oiseaux et autres fariboles.
C’est un monde humainement violent. On adopte un comportement
tranquillement à l’écart des lois mais qui respecte les lois sociales de la
région, lois imposées par un climat rigoureux, une pauvreté répandue, un mode
de vie dur. Cela peut sembler cruel, mais les gens parlent peu – il n’y a pas
de dialogue chez Giono – et pas de psychologie. Si Colline passait par l’intermédiaire d’un drame familial, l’histoire
d’Ennemonde est aussi l’histoire de sa région et de sa transformation.
Qu’on soit promis au saucisson ou à la résurrection, la mort est le moment précis où le naturel revient au galop.
Les mots de Giono sont précis, il prend son temps et pourtant le récit est dense, sans rien de gratuit ou inutile. La description des animaux (notamment d’une couleuvre ou d’un serpentaire) peut être clinique. Chaque élément a une présence puissante.
Le ciel est transparent. L’air enivré. Le vent fait dans les sapins le
bruit de la mer. L’herbe se couche, la lavande tremble. Des tuiles cliquettent
comme si quelqu’un marchait sur le toit. Le vent fait sonner la profondeur des
citernes. Les chemins fument, les hêtres s’agitent, les bouleaux se balancent,
les peupliers scintillent, le vent court dans les herbes comme un renard.
L’arche des murs sifflote. Les loquets dansent dans leurs gâches. Les volets
arrêtés frappent sur leurs crochets ; une porte d’étable grince. De la
paille vole. Le vent roule des blocs d’étourneaux comme un torrent des blocs de
serpentine.
Photos de Fontienne, M&M.
Hop,c'est noté !
RépondreSupprimerJe n'ai lu que le Hussard. Je note ce titre...
RépondreSupprimerLa citation que tu notes en titre de ta chronique est tout particulièrement magnifique !
RépondreSupprimerJe serais ravie de vous convertir à Giono, ses descriptions du vent notamment sont magnifiques !
RépondreSupprimerJ'ai toujours beaucoup aimé le peu que j'ai lu de Jean Giono, il faut dire que je savoure !
RépondreSupprimerLa phrase de ton titre est superbe, tu me donnes une furieuse envie de relire Giono : celui-ci pas de souvenir, je note mais j'avais adoré Regain et deux ou trois autres dont les titres m'échappent ! Mais je n'en ai aucun dans ma biblio, bizarre, encore des disparitions dues aux déménagements...
RépondreSupprimerJe note : offrir un des 60 romans de Giono à l'amie Asphodèle...
Supprimertiens je ne connais pas ce roman de Giono, je le note :)
RépondreSupprimerC'est un des romans de Giono que je préfère et un des premiers lus
RépondreSupprimerPourtant il n'a pas l'air très connu, tu es forte !
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