La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 26 mars 2015

Albert avait ce je ne sais quoi qui ne s’explique que par le mot mystère !

Honoré de Balzac, Albert Savarus, 1842.

Le début nous dresse une fort belle évocation du dandy et plus exactement du dandy de province, jeune lion chassant l’héritière. C’était assez prometteur, mais nous bifurquons très vite sur le mystère constitué par Albert Savarus – j’avoue que j’ai été déçue par ce changement de direction, même si le dandy est récupéré de très belle façon dans les dernières pages.

Un court roman qui offre un parallèle frappant avec Eugénie Grandet. Mais au lieu de la Touraine, nous voici à Besançon, ville qui serait le sommet de l’ennui selon l’auteur. Nous sommes dans la maison de Wateville, ce qui se fait de mieux en terme d’aristocratie (mais après 1830), auprès de Philomène, la fille de la maison. Arrive en ville un nouvel avocat bien mystérieux, Albert Savarus. Et ce qui devait arriver arriva ? Et bien non, pas tellement, car Savarus cache un secret aux couleurs d’Italie, tandis que Philomène semble poursuivre la haine et l’amour, le tout sur fond d’élections.

Duez, Splendeur, 1874, Musée Carnavalet

Le portrait est un peu brutal pour Besançon, mais le but est sans doute de faire jaillir les lacs italiens dans toute leur magie et leur capacité d’ensorcèlement. L’amour est ce qui meut les personnages. Tout comme le Félix du Lys dans la vallée, Savarus se donne la mission d’acquérir un nom et un destin au nom de l’amour, même si les vertus en jeu sont ici plus brutales. J’avoue que j’ai eu du mal à comprendre que la députation fasse d’ailleurs l’objet d’une ambition si rêvée. Il m’a semblé que Stendhal était plus ironique avec ces grands hommes de province et qu’il traitait la question des élections avec beaucoup plus de sérieux, comme un véritable enjeu dans Lucien Leuwen, et non comme un prétexte à un roman d’amour. Nous avons affaire à des personnages froids et calculateurs, en amour comme en politique ; l’Italie passionnée (et stendhalienne) est décidément bien loin. Le temps passé en leur compagnie n’est pas si agréable.

De son côté, Philomène avait décidé dans sa forte tête de frêle jeune fille d’amener monsieur de Savarus dans le salon et de l’introduire dans la société de l’hôtel de Rupt. Elle bornait encore ses désirs à voir Albert et à l’entendre. Elle avait transigé pour ainsi dire, et les transactions ne sont souvent que des trêves.

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