La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 20 mai 2015

Une beauté tremblotante, comme un vieux papillon battant lentement ses ailes qui se défont.

Rosa Montero, L’Idée ridicule de ne plus jamais te revoir, traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse, 2013.

Un livre absolument bouleversant !

Après le décès de son mari, Rosa Montero reçoit la proposition d’écrire une préface à l’édition espagnole de la lettre que Marie Curie adresse à Pierre, son époux mort dans un accident. Montero s’engouffre dans la personne de Curie pour parler de la mort, du deuil, de la perte, du chagrin, comme devant un miroir déformé. Elle prend aussi le point de vue d’une femme résolument féministe et ancrée dans son temps, tentant de saisir l’intimité affective de la double prix Nobel.
Ce livre qui n’est pas un roman livre des réflexions diverses, elles-mêmes nourries de la lecture de biographies de Marie Curie et d’études scientifiques et de l’expérience personnelle de l’auteur. Montero parle de la famille de Marie Curie, de ses forces et faiblesses, essaie d'approcher son intériorité.

Pour vivre, nous devons nous raconter. Nous sommes un produit de notre imagination. Notre mémoire est en réalité une invention, un conte que nous réécrivons un peu tous les jours.

Ce livre m’a bouleversée. Sans doute parce que j’ai enduré deux deuils récemment et que je vis avec la maladie de Moustachu, il m’a parlé très directement et j’ai souvent eu la larme à l’œil. Montero parle avec justesse et sensibilité de ces douleurs-là, tout en mettant en avant la puissance de l’art, de la beauté et des mots au sein de ces moments, qui font étroitement partie de la vie. Elle dit aussi que ces deuils connaissent leurs moments grotesques ou comiques, leurs instants d’humour, de douceur, ou d’agacement qui sont inattendus, mais qu’il faut reconnaître parce qu’ils en font partie intégrante.

Stèle funéraire, moyen Euphrate, IIe siècle ap. JC, Musée des Beaux-arts de Lyon

Parce que, quand la douleur s’abat sur vous sans palliatifs, ce qu’elle vous arrache en premier c’est les #Mots. Il est probable que vous reconnaissiez ce que je dis : vous l’avez peut-être vécu, car la souffrance est une chose très commune dans toutes les vies (comme la joie). Je parle de cette douleur qui est tellement grand qu’elle ne semble même pas naître à l’intérieur de vous, c’est plutôt comme si vous aviez  été enseveli par une avalanche.

Le goût de l’auteur pour son temps et son sens des mots apparaissent dans l’usage qu’elle fait des hashtags. Quand on est sur twitter, comme l’est Montero ( ), on en vient à penser à voix haute en faisant usage de ces noms comme autant d’emblèmes ou de mots-clés pour donner la couleur d’une journée, désigner une activité récurrente, un grand problème insoluble ou renvoyer en un mot à un lourd inconscient présent en arrière-plan. À noter que l’héroïne des Larmes sous la pluie apparaît discrètement sous la forme d’un hommage à la #Mutante.

L’honnêteté m’oblige à reconnaître quelques bavardages un peu longs, mais qui ne m’empêchent pas de conseiller vivement la lecture de ce livre.

Qu’il y a, en effet, un inconscient collectif qui nous entretisse, comme si nous étions un banc de poissons serrés qui dansent à l’unisson sans le savoir. Et les #Coïncidences font partie de cette danse, de ce tout, de cette musique, de cette chanson commune que nous n’arrivons pas à écouter tout à fait parce que le vent ne nous apporte que des notes isolées.

Sur ce livre, les avis de Dominique, de Keisha, de Clara et de Jostein.

Des femmes écrivains. Le mois espagnol de Sharon.


16 commentaires:

Eimelle a dit…

ton billet en ajoute encore à mes envies de lire ce livre.. il est noté..

nathalie a dit…

J'avoue que l'on commence à être une petite troupe.

Miss Alfie a dit…

J'ai une telle trouille du deuil et de la mort, pour avoir assez mal vécu ces moments jusqu'à présent (mais peut-on bien les vivre ?...) que j'attendrai pour me plonger dans cet ouvrage... Peut-être en revanche que c'est le type de lecture qui peut soulager et aider le jour où...

Jeanmi a dit…

Sur la stèle, la pauvre femme a l'air bien triste de se trouver là...

nathalie a dit…

C'est un auteur que j'aime bien, mais je ne pensais pas que cela me ferait cet effet. Ceci dit, ce n'est pas un livre violent, plutôt plein de douceur et de bon sens.

nathalie a dit…

Mais qui sait en quoi croyait ce couple ?

delphine a dit…

J'avais noté ce titre déjà, évidemment.
Pleins de pensées

nathalie a dit…

C'est un beau livre, mais je suppose que l'on le reçoit différemment selon les sensibilités.

claudialucia a dit…

Décidément une auteure à suivre, Je n'ai pas lu celui-ci mais je connais déjà le titre et ton avis me conforte dans l'idée que je le lirai.

nathalie a dit…

Je suis plus mitigée sur ses romans, un que j'ai beaucoup aimé, un autre nettement moins.

Alex Mot-à-Mots a dit…

Bon, ça y est, je l'ai noté, enfin !

keisha a dit…

(alex a craqué!)
Bon, maintenant il faut lire La folle du logis, sur un autre thème, mais tout aussi bien;

nathalie a dit…

Oups. J'espère qu'il te plaira.

nathalie a dit…

Déjà lu nanananèreuh !

Sharon a dit…

Merci pour ta participation au mois espagnol.
Je le note... hors mois espagnol - je sais que je n'aurai pas le temps de le lire d'ici la fin du mois, je fais baisser ma PAL espagnole en priorité.

nathalie a dit…

J'avais épuisé mes stocks à l'automne, donc je comprends bien.