La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 29 juin 2015

Le pauvre, brillant, gai, maussade, mélancolique, impressionnable et misérable Brontë.

Daphné du Maurier, Le Monde infernal de Branwell Brontë, traduit de l’anglais par Jane Fillon, publication originale 1960, publié en France chez Phébus.

J’achève mon parcours au sein de la Brontë family par cette biographie consacrée au frère, le génie raté au destin lamentable. Cette biographie est donc aussi le récit d’une autodestruction.
Je ne vais pas répéter ici les éléments biographiques (la page Wiki ne le fait pas très bien, mais je n’aime pas re-raconter et paraphraser), mais sachez que cet essai repose sur le maniement d’un matériau colossal, à l’intérieur duquel du Maurier circule avec finesse et intelligence.

Je trouve que du Maurier fait extrêmement bien ressortir les différents tenants et aboutissants de cette personnalité complexe, à la créativité foisonnante, mais incapable d’être assez constante pour aboutir à quoi que ce soit de concret. Elle cite de nombreux manuscrits, poèmes, lettres et extraits de roman pour évoquer le monde intérieur de Branwell, partagé en grande partie par ses sœurs. Cela lui permet de montrer le processus créatif qui opère au sein de la famille et de suivre le fil ténu qui relit toutes les œuvres de Charlotte, Emily et Anne.

Cependant, le « jeu » continuait, plus puissant que jamais. Y penser avait ensoleillé bien des journées moroses, d’autant plus que ses camarades et professeurs se transformaient sous sa plume en personnage de roman… à leur insu, bien entendu.

Le presbytère de Haworth (aujourd'hui un musée). Wikipedia.
 J’ai été frappée par le fait que cet univers s’ancre dans un monde gothique : méchants aux desseins démoniaques, rôle ambigu du catholicisme, femmes pures et manipulées, tout en s’alliant à un imaginaire tourné vers les mondes exotiques et la conquête militaire de royaumes africains (complètement utopiques). La puissance de ce monde onirique a habitué très tôt les trois sœurs à manier des univers romanesques complexes – on comprend mieux leur capacité à maîtriser des romans de 500 ou 700 pages. Lili parle très justement d’ « intertextualité familiale » pour qualifier ce processus créatif. Les manuscrits de Branwell sont la partie immergée d’un iceberg parvenu à notre connaissance par l’intermédiaire de quelques magnifiques romans.

 Du Maurier restitue aussi la réalité de la vie de toute la famille. On s’imagine souvent les sœurs recluses dans un presbytère sur la lande, alors qu’elles travaillent, voyagent, vont et viennent, entretiennent de longues correspondances et participent pleinement à leur société. Emily, cette fille de haute taille, parcourt la lande avec son dogue, Anne travaille activement et Charlotte prend en main l’opération éditoriale, en étant le pivot industrieux de la famille.

Il avait déçu un père qui l’adorait ; déçu une sœur qui avait été la plus chère compagne de son enfance : c’était leurs reproches muets, leurs soupirs étouffés qui faisaient le plus souffrir sa conscience. Anne représentait pour lui un lien avec Thorp Green et Emily… Emily ne le plaignait ni le condamnait ; elle avait ce tact suprême de sembler ne s’apercevoir de rien.
Journal d'Emily Brontë, 26 juin 1837. Elle est au travail
avec sa soeur Anne. Wikipedia.

L’avis de Lili et de Miss bouquinaix.

Les liens vers mes billets pour les différents romans – je n’ai pas lu les poèmes :

Charlotte Brontë :
Villette
Le Professeur
Shirley
Jane Eyre

Emily Brontë : Les Hauts de Hurle-Vent


16 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Ah oui, grand bouquin !!!

nathalie a dit…

J'étais sceptique au départ : alors que les soeurs sont si brillantes, pourquoi mettre le regard sur ce raté ? Mais j'avoue que l'approche est plutôt très intéressante. C'est un sacré gros travail de la part de l'auteur.

Alex Mot-à-Mots a dit…

Un fil ténu relie les oeuvres de trois soeurs ? Voilà que je veux en savoir plus....

nathalie a dit…

C'est un cas où ça vaut le coup d'avoir un point de vue englobant toute la famille. Ce n'est pas si fréquent en littérature (les Mann, Singer aussi).

Karine:) a dit…

Celui-là, c'est officiel que je vais le lire un jour. Officiel! Brontë et du Maurier, ça ne peut que faire mon bonheur.

nathalie a dit…

Officiel ? Heureusement tu n'as pas mis de date limite.

Miss Alfie a dit…

La lecture de la bio de Daphné du Maurier m'avait donné envie de découvrir ce livre, puisque la famille Brontë l'a beaucoup inspirée. Tu ravives ce désir !

nathalie a dit…

D'autant qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu les romans des frangines. Au contraire, le livre de du Maurier est une très bonne introduction.

Le Salon des Lettres a dit…

Ce titre me dit énormément. J'ignorais totalement que l'auteure s'était intéressée à la famille Brontë !

Unknown a dit…

Je ne savais pas que Daphné du Maurier avait écrit cette biographie. Cela a l'air très intéressant, je le note, merci.

nathalie a dit…

Je crois qu'elle s'est intéressée à beaucoup de monde. Et certains de ses romans ont un petit côté "landes" aussi.

nathalie a dit…

Cette biographie de Branwell constitue une bonne intro pour découvrir toute l'oeuvre de la famille.

Miss G a dit…

Pour parodier une pub : "je le lirai un jour !", c'est au programme mais je je le réserve pour le bon moment. La lecture des œuvres de jeunesse de la famille Brontë est également intéressante.

nathalie a dit…

J'avoue que les poèmes ne sont pas trop mon truc, mais si jamais ils croisent mon chemin...

Dominique a dit…

ah je n'avais pas repéré celui là chez Daphné du Maurier, merci à toi d'attirer mon attention

nathalie a dit…

Oh de rien, c'est toujours un plaisir.