La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



dimanche 14 février 2016

Mieux vaut se libérer des attaches et espérer que la plaie guérira.

J. M. Coetzee, L’Été de la vie, traduit de l’anglais par Catherine Lauga du Plessis, parution originale 2009.

Un drôle de roman qui en apprend beaucoup sur l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Au début, nous lisons les carnets d’un écrivain mort – un certain Coetzee. Puis se succède l’entretien que mène un chercheur avec quatre personnes ayant vaguement connu ce Coetzee. L’idée est bien évidemment de jouer sur les troubles de l’identité : qui est ce Coetzee ? L’auteur lui-même ? Un double ? Et que cherche réellement ce chercheur ? Connaître la vie de Coetzee ou celle de ces témoins ? Bien sûr, l’individu parvient toujours à s’échapper des discours.

Ce qui m’a, moi, intéressée dans ce roman, sans doute parce que c’est le premier livre que je lis de cet auteur, c’est tout ce qui est dit sur l’Afrique du Sud de la fin de l’apartheid, même si ce dernier point est loin d’être le sujet principal.
Ainsi, le fameux Coetzee vit dans une maison misérable avec son père et tient à réaliser lui-même les travaux nécessaires (terrassement, isolation). Pour tous, il est incongru qu’un blanc réalise des travaux réservés aux noirs.
Il est dit que l’Afrique du Sud blanche se vit comme une île. Des gens sont venus d’un petit pays de l’autre bout du monde pour défricher la terre et s’installer là. Personne d’autre ne parle leur langue, qui est même considérée comme un dialecte. Les afrikaners n’ont pas l’impression de vivre en Afrique, un continent qu’ils ne connaissent pas. Et à présent, tout s’écroule. Les descendants de ces colons se considèrent eux-mêmes comme étant illégitimes, présents de façon transitoire sur cette terre. On est à la fin de l’apartheid et tout le monde le sait. Certains préparent leur exil aux États Unis avant que tout ne s’effondre, tentent d’accumuler de l’argent tant qu’il en est encore tant. Les exilés sont d’ailleurs nombreux, tout juste arrivés ou prêts à partir.
 
I. Berry, Desmond Tutu, 1985, Centre Pompidou, RMN.
Le roman contient de nombreuses considérations sur les langues. Les vieux blancs parlent l’afrikaans, cette langue dérivée du néerlandais. Les jeunes, ceux en contact avec le monde des affaires et ceux qui ont vécu à l’étranger, parlent anglais. On peut se mépriser ou du moins se juger en fonction de sa capacité à maîtriser l’une ou l’autre langue. L’afrikaans apparaît comme une langue menacée de disparition, à la littérature peu reconnue, symbolisant un monde ancien et ranci.
Dans un tel pays, l’individu ne peut qu’être aliéné, porteur de la violence et des contradictions du pays. L’Afrique du Sud semble à proprement parler invivable.

Ensemble, ils parlent afrikaans. L’afrikaans de John est hésitant ; elle pense que son anglais à elle est probablement meilleur que son afrikaans à lui, bien que, vivant dans l’arrière-pays, le platteland, elle ait peu l’occasion de parler anglais. Mais ils ont toujours parlé afrikaans ensemble, depuis leur enfance ; elle ne va pas l’humilier en lui proposant de passer à l’anglais.

J’ai essayé de lire Terres de crépuscule mais je n’ai pas réussi. Trop violent et réaliste, manquant pour mon goût d’une distanciation littéraire. Un auteur décidément intriguant !


Lire le monde pour l'Afrique du Sud.


10 commentaires:

  1. Je n'ai jamais rien lu de Coetzee. Mais cette littérature sud-africaine m'a l'air très riche. Merci pour ton billet, qui tombe à point en ce jour de LC consacrée à un autre écrivain d'Afrique du Sud: Karel Schoeman.

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    1. J'avais loupé le redémarrage de ton blog... Je n'ai jamais lu Schoeman mais tous les billets ont l'air très enthousiastes et font bien envie.

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  2. Disgrâce de ce meme auteur est à lire aussi.

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  3. Je n'ai pas lu ce titre-là et il me reste bien des romans de Coetzee à lire. Celui-ci me semble tout à fait abordable : merci pour ce conseil.

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    1. Il est d'une allure très étrange, mais au final je le trouve vraiment intéressant.

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  4. J'ai lu Disgrace et Elisabeth Costello, de bonnes lectures)

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  5. Réponses
    1. C'est un livre très spécial, dont le dispositif peut être très rebutant.

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