Lionel Duroy, Échapper, 2015.
Un livre pour lequel j’éprouve
des sentiments ambigus.
Le narrateur, Augustin, est
écrivain, parti sur les traves de La Leçon d’allemand, le roman de Lenz, à moins que ce ne soit sur celles du
peintre Emil Nolde. Il raconte sa quête éperdue des lieux et des personnes,
tout en rappelant un précédent voyage réalisé dans cette contrée et en évoquant
le fiasco de son mariage.
La spécialité de Duroy est cette
façon de mettre en scène sa vie familiale et sentimentale comme une stratégie
de survie. Disons-le, cet Augustin est franchement agaçant, même si ses
réflexions ont le pouvoir troublant de renvoyer le lecteur à sa propre vie,
plus ou moins ratée ou réussie, à cause de l’impudeur gênante. Cette intimité
est exhibée comme on n’ose pas le faire avec soi-même et force à
l’introspection.
Reste la quête.
Au départ, Augustin cherche les
lieux qui ont pu inspirer Lenz. Il se comporte à la fois comme un individu pour
qui la vraie vie est dans la littérature et à la fois comme une midinette
cherchant des traces (en l’occurrence une brique boueuse) de son idole. Cette
ambiguïté fait sourire. La naïveté me semble commune à bien des fans de
littérature, qui mêlent discours savant et rêveries simplistes dans leurs
hommages.
E. Nolde, Voiliers dans la mer jaune, 1914, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, RMN. |
Se détournant progressivement de
Lenz, Augustin en vient au peintre Emil Nolde qui a inspiré le roman. Il se
sert de sa propre expérience de la vie pour tenter de le comprendre, tout en
proposant des interprétations contradictoires des actes du peintre – Augustin
me semble (point positif) doté d’une grande capacité à se projeter dans
l’autre, tout en n’hésitant pas à plaquer son propre vécu sur les quelques bribes
qu’il perçoit de la vie des autres – on ne sort jamais vraiment de soi.
Que garder de ce roman ? En
tout premier, lisez le magnifique roman de Lenz si vous ne le connaissez pas.
Ensuite, la belle évocation d’une région que je ne connais pas (encore), à
savoir l’Allemagne du Nord, celle des rivages de la Baltique, tout un monde à
découvrir. Et surtout, cette unique idée : aimer un livre au point de
vouloir y vivre et n’en plus sortir.
En somme, m’étais-je dit, tout
est conforme à l’idée que j’entretiens de la vie : elle est grande et
enviable dans les livres, intéressée et impitoyable sur la Terre.
Vouloir vivre dans un livre ? Quelle belle idée.....
RépondreSupprimerSurtout dans le roman de Lenz, cela se comprend parfaitement.
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