Krimi. Une anthologie du récit policier sous le troisième Reich,
textes choisis, présentés et traduits de l’allemand par Vincent Platini, édité
en 2014 par Anacharsis.
Ce volume rassemble des nouvelles et de courts romans
policiers, de divers auteurs, tous parus en Allemagne sous le régime hitlérien.
C’est une lecture très intéressante. Certaines histoires valent pour
elles-mêmes et sont très prenantes. Mais bien sûr les commentaires de Vincent
Platini éclairent leur lecture et soulignent des points particuliers, des
allusions, des contraintes. Le roman policier se situe à des distances très
variables du pouvoir en place, mais également des modèles anglais ou
américains. Faut-il camper son roman à l'étranger, car de tels crimes ne
sauraient se produire dans la belle Allemagne du Reich ? Ou au contraire faut-il
un roman allemand mettant en valeur cette belle police ? Le genre policier est
un roman de pur divertissement, voire considéré comme immoral et dangereux, ce
qui n’empêche pas le contexte de s’inscrire dans l'écriture ou d’apparaître via des allusions étudiées.
Ce volume permet également de
mettre en avant le travail des historiens et l'étude de l'histoire longue du
roman policier. Cette histoire longue se penche sur le contexte d'écriture et
de publication, sur les enjeux politiques et commerciaux, sur les maisons
d’édition et leur aryanisation, sur les auteurs qui peuvent être de fidèles
soutiens du régime, des juifs ou des résistants de l’intérieur.
Une curiosité très enrichissante
à lire !
T'veux une cigarette ? Demanda-t-il brusquement en tendant un paquet souple à Joachim.
- Hein ? Dit-il surpris, des vraies cigarettes ? D'où tu les tiens ?
- Sûrement pas achetées ! Les bonnes choses, ça se trouve plus en magasin...
Quelques titres :
Hans Joachim Freiherr von
Reitzenstein, Schwenke, simple brigadier,
écrit en 1932. Le héros est ici un brave brigadier, plein de bon sens, faisant
régner la tranquillité dans sa ville.
Michael Zwick, Une mauvaise conscience tranquille,
1934. Un texte très ironique sur le thème de la confession et de l’aveu.
Paul Pitt, Fatal héritage, 1937. On a ici deux héros récurrents, John Kling et
Jones Burthe, et une série de plusieurs centaines de livres. Ce roman traduit
une étonnante ambiguïté vis-à-vis du roman policier américain des années 30,
modèle et repoussoir. On a ici une imitation presque caricaturale avec argot
américain hyper abondant et traduit pour le néophyte, avec un culte de la
voiture et de la machine et beaucoup de violence. Finalement le régime nazi a
fini par lâcher cette série trop américaine et sulfureuse.
Adam Kuckhoff, Sortie
de scène, 1938. L’auteur fut un résistant allemand, arrêté et condamné à
mort. Cette nouvelle prend place dans le monde du théâtre, avec un comédien
génial et fou à la fois.
C. V. Rock, Meurtre
à cinq sous, 1940. Tout l’ambivalence de la littérature populaire ! Un
jeune homme rêve d'aventures et d'une vie haute en couleur et subit de
mauvaises influences. Mais bien sûr, le criminel apparaît un peu comme un minable et promis à une existence au ras
de terre, alors que la police toute puissante ne laisse aucun crime impuni.
Edmund Finke, Dix
alibis irréprochables, 1941. Une nouvelle qui met la lumière sur un duo
d'enquêteurs plein d'habileté face à un mystère. Bien sûr, rien n’échappe à la
puissance d’esprit de la police allemande. C’est un texte tout à fait réussi.
Zinn, L'Annexe
27, 1944. Sans conteste la meilleure pièce du recueil. Cette sombre
histoire de lettres anonymes m'a tenue accrochée toute une journée. On est dans
un roman à la gloire de la police allemande, bien équipée, scientifique,
compétente, etc. et qui protège les
habitants. Cela n'empêche pas l'humour ni les rebondissements car nous sommes
dans une littérature de divertissement. Les notes nous apprennent que cette
collection a été soutenue par le régime : en pleine guerre l'écrivain sera payé
et il échappera aux restrictions de papiers.
Adam Kuckhoff et John Sieg, Lettre ouverte au front de l'Est, 1941-42. C’est une feuille
anonyme dénonçant les atrocités commises par la police sur le front de l'est.
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