Mayra Montero, Toi, l’obscurité, traduit de l’espagnol
par Françoise Rosset, parution originale en 1995, édité en France chez
Gallimard.
Une histoire de grenouilles
haïtiennes.
Les deux narrateurs se relaient
(au lecteur de suivre). Il y a tout d’abord un universitaire, dont on ne saura
l’identité qu’à la dernière page, spécialiste des grenouilles, et en train de
se faire quitter par sa femme. Et il y a Thierry, son guide à Haïti, qui
connaît à fond l’île, ses grenouilles, ses poisons, ses bandits, ses esprits.
Lui a une histoire de famille plutôt compliquée. Les deux sont sur les traces
d’une grenouille rouge sang.
Ce furent deux appels courts et puissants, elle régurgitait sa voix, comme un signal dans le vide, une bulle désespérée et solitaire venant du tréfonds de son être.
Ce n’est pas une narration
linéaire. Tandis que les deux hommes essaient de repérer cette mystérieuse
grenouille, Haïti est en proie aux bandits et aux criminels, la menace se
rapproche peu à peu et les corps et les ordures se multiplient dans les rues.
Par ailleurs, l’universitaire repense à sa femme et à son père qui élève des
autruches. Et Thierry nous raconte une Haïti verdoyante, aux eaux riches en
poisson, aux commerces et aux épiceries bien achalandés. Il y a aussi des
amours violentes et étranges, des poisons et des esprits. C’est toute une île
qui vit à travers le cri de cette grenouille rouge. Le roman prend peu à peu
une dimension mythologique, car des notes, écrites par on ne sait qui,
racontent en parallèle la progressive disparition des grenouilles de toute la
surface de la Terre.
Oophaga pumilio, grenouille rouge d'Amérique du Sud, Wiki image. |
C’était une lecture étrange et
prenante, même si j’ai un peu de mal à savoir pourquoi. J’ai vraiment apprécié
cette plongé dans un univers exotique pour moi. Le lecteur a un sentiment de
réalité concernant les grenouilles, alors qu’une teinte fantastique envahit peu
à peu le roman avec ces savants fous, la violence et la folie d’Haïti.
Thierry conduisait et me
racontait une histoire d’amour, ses doigts étaient crispés sur le volant et ses
yeux regardaient fixement la route qui n’était qu’un atroce chemin plein de
nids-de-poule. Il parlait d’un ton très doux, il ne paraissait même plus si
vieux. Soudain il dit quelque chose qui me frappa : on ne sait jamais
quand commence le chagrin qui ne vous quittera plus. Je le regardai et je vis
une larme couler sur sa joue.
« Ni le chagrin ni la joie,
lui fis-je remarquer tout bas. On ne sait jamais rien, Thierry, c’est cela qui
est effrayant. »
L’avis de Cryssilda. Montero est née à Cuba, mais Wikipedia me dit qu'elle se considère comme portoricaine, car elle vit à Porto Rico depuis son enfance. Bon pour le défi d’Amérique latine d’Eimelle. Des femmes écrivains.
intéressant!Merci pour le challenge!
RépondreSupprimerÇa m'a fait l'occasion de lire un livre qui attendait depuis longtemps.
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