Pierre Gripari, La Vie, la mort et la résurrection de
Socrate-Marie Gripotard, 1968.
Un bien curieux roman.
Au début, l’auteur ( ?) nous
prévient qu’une créature a pris possession de son corps et de sa machine à
écrire pour composer le texte. Puis un préambule annonce que des sortes de super
créatures apparaissent de temps en temps et que l’une d’elles s’est servi de
Gripari pour raconter sa venue – ce qui explique que le récit soit empli des
obsessions propres à ce Gripari.
Bref. L’action se déroule
essentiellement dans l’Entre-deux-guerres et pendant la Seconde guerre
mondiale, mais les événements historiques ont subi quelques modifications
(Hitler est juif, Khrouchtchev intervient un peu tôt dans l’histoire, etc.). Nous suivons la vie d’une famille
de jeunes gens, dont le fameux Socrate-Marie, leurs amours et leurs
désillusions politiques.
Le roman joue largement des
clichés sur l’engagement politique, sur le communisme et sur l’antisémitisme.
Ce dernier point est d’ailleurs largement ambigu, car l’auteur adhère en partie
aux discours antisémites tout en excellant à se moquer des outrances verbales
des nazis (le lecteur n’est pas très à l’aise). Les intellectuels communistes
et les hésitations staliniennes sont également superbement raillés. Tous les
discours dogmatiques en prennent généralement pour leur grade. C’est
extrêmement réussi, mais contribue au caractère daté du roman : cette
langue-là signe son époque.
J. Dubuffet, Vénus du trottoir, 1946, Marseille, musée Cantini, M&M |
Tout cela va avec un grand
plaisir de lecture en raison de l’invention narrative et langagière. Le thème
du Dictateur de Chaplin trace un fil
conducteur, les communistes lisent Luma,
les vampires font une apparition, les portraits satiriques se succèdent. Tout
cela est interrompu régulièrement par le récit des rêves de Socrate-Marie qui
sont aux couleurs surréalistes. C’est donc un roman tout en richesse.
Tous les fidèles baissent la
tête, persuadés que l’Esprit Saint est là, tout prêt à foudroyer sur place
quiconque oserait regarder le prodige avec des yeux de chair. La comtesse fait
comme eux. Profitant de ce moment, le prêtre échange prestement sa coupe de
pain contre une seconde coupe, qu’un enfant de chœur tire de sous sa robe, et
qui, celle-ci, est pleine jusqu’au bord de petits morceaux de viande crue.
L’enfant s’éclipse avec la coupe de pain, le grêle grelottement de la sonnette
meurt, la foule relève la tête. Entre les mains de l’officiant, les morceaux de
pain sont devenus morceaux de chair, saignants et palpitants. Le prêtre en
saisit un avec deux doigts, l’avale.
Merci Sarah pour cette
lecture !
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